Hanane Kai, quand la confusion verbale devient visuelle
Le 11/04/16
Publié par Kalimat publishing, et écrit par Fatimah Sharafeddine, ‘Lisanak hisanak’ a permis à son illustratrice Hanane Kai de remporter le premier prix Bologna Ragazzi Award New Horizons 2016.
Un mail de la part de la maison d’édition Kalimat publishing, une proposition de collaboration sur ce projet consistant à illustrer ce texte de Fatimah Sharafeddine, ‘Lisanak hisanak’ constitué d’une série de ‘tongue twisters’. Qu’est-ce qu’un ‘tongue twister’, un ’virelangue’ en langue française ? Hanane Kaï, à l’instar peut-être de presque nous tous, ne connait de cet univers de jeu que l’expression : ‘Khat hariri 3al khat haidi’. Le temps de mener ses recherches et c’est l’adhésion totale, l’enthousiasme immédiat. Le projet promet d’être un vrai défi, il ne s’agit pas d’une simple histoire d’une mère qui s’adresse à son fils, ou même d’une histoire bien précise, avec intrigue et dénouement. Ce qui se passe verbalement est la partie qui appelle au dépassement créatif.
Avec une liberté d’inspiration et d’action, sans aucune restriction ou contrainte de la part de Kalimat ou de l’auteure, Hanane Kaï ne voulait pas des illustrations littérales mais quelque chose de plus créatif. Comme à son habitude, à chaque nouveau projet qu’elle entame, elle se pose cette question : de quoi parle le texte exactement ? ‘‘Le ‘tongue twister’ est moins une question de sens que de la confusion qui survient quand on le dit plusieurs fois d’affilée, qu’on se trompe, qu’on en rit et qu’on répète le jeu. J’ai donc voulu transformer cette confusion qui arrive verbalement en quelque chose de visuel’’.
Comme un jeu de puzzle
Une fois l’idée formée, elle décide d’utiliser les lettres de chaque ‘tongue-twister’ en les faisant s’entrecroiser les unes avec les autres, de manière à recréer précisément cette confusion : les lettres sont lisibles, mais il faut les chercher au cœur de chaque dessin, au cœur de chaque détail de la lettre dessinée et du dessin dans son ensemble. Les rechercher, les reconstituer, s’y perdre et reprendre dès le début où là où on s’est arrêté. Une sensation de ‘‘puzzle avec lequel jouer", selon les propres mots de Hanane Kaï. Du jaune, du rouge et du bleu, Hanane Kai a utilisé les couleurs primaires, auxquelles elle a ajouté du noir, dans des teintes souvent nuancées, non seulement pour renforcer la simplicité du style qu’elle a adopté, mais aussi par choix esthétique. Et le résultat est envoûtant : chaque page est une œuvre créative en soi, tout en s’inscrivant parfaitement dans l’ensemble. Chaque page ouvre autant de possibilités d’histoire, de jeu, de reconstitution…
Dès la première illustration, Kalimat publishing se rend compte qu’il y a, là, la possibilité de remporter un prix. Mais il ne restait qu’un mois pour présenter la candidature au Bologna Ragazzi Award New Horizons. Un mois seulement pour aller jusqu’au bout de ce défi. Délai plus que serré, et défi relevé ; Hanane Kai remporte le premier prix, et le jury de la compétition salue les ‘‘illustrations modulaires et inventives de ce livre vivant (qui) combine une série répétitive de simples formes géométriques en des couleurs primaires. Pas d’exercice de peinture abstraite, c’est une tentative originale de donner une forme visuelle aux ‘tongue twisters’ et la difficulté de prononcer rapidement certains mots. La juxtaposition, intelligemment dessinée, des images cache les mots qui, s’ils sont mal prononcés, aboutissent à un fouillis amusant des motifs".