Et Sayyed Darwich vit encore…
Le 28/08/18
Par Nayla Rached
Pour la soirée de clôture du Festival International de Byblos, Charbel Rouhana, accompagné de 25 musiciens, choristes et interprètes a ranimé le répertoire de Sayyed Darwich. Un bel hommage au "Vivaldi des Arabes" et à la musique.
Le public était nombreux ce soir-là, le vendredi 24 août, pour vibrer avec la musique de Sayyed Darwich, le père de la musique arabe moderne, le "Vivaldi des Arabes", décédé il y a presque 100 ans, à l’âge de 31 ans. Parti très jeune en laissant derrière lui de très nombreuses compositions, de tous les genres, des mouwashahats et des ta2ati2, que nous sommes très nombreux à fredonner sans savoir qu’elles sont signées Sayyed Darwich, à l’instar de ‘Salma ya Salama’ ou ‘Zourouni kouli sanah marra’…
Dans un agencement très sobre, la scène accueille les 22 musiciens et choristes qui s’installent tour à tour derrière leurs pupitres, de part et d’autre de la scène, sur des podiums surélevés. D’un côté la section groove, batterie, percussions et basse, et de l’autre la section cordes, oud, qanun et violons, ainsi qu’un accordéon et un synthétiseur. Tout au fond de la scène, six choristes composé de trois voix féminines et de trois voix masculines. La scène est prête à recevoir Charbel Rouhana. Armé de son oud, le voilà qui s’installe au milieu de la scène pour accueillir à la fois son public et celui de Sayyed Darwich, dont l’image est projeté sur un écran géant, tout au long du concert, au fond la scène, comme pour ancrer davantage sa présence parmi nous ce soir-là.
En quelques mots bien choisis, Charbel Rouhana fait part de sa joie, de son étonnement et de son engouement d’avoir été contacté par le Festival pour organiser une soirée en hommage à Sayyed Darwich. Et le concert commence tout en musique, une première composition instrumentale, à la fois lancinante et vibrante, une première composition qui donne le ton.
Et les morceaux s’enchainent à mesure que résonnent les voix des trois interprètes qui accompagneront Charbel Rouhana, chacun un brin de voix particulier : Ra’fat Farès, Gilbert Rahbani et Issa Ghandour. Voix vibrante pour l’une, voix puissante pour l’autre, et Issa Ghandour en véritable crooner, incitant la foule à accompagner la mélodie d’applaudissements et en paroles. Charbel Rouhana, presque toujours debout, se déplaçant sur la scène, fait croiser ses notes au oud dans une parfaite synergie avec les musiciens, le groove de la basse et de la batterie se faisant sentir dans toute la modernité de la musique.
A mesure que les minutes s’écoulent, la scène se fait plus vivante, plus vibrante, jusqu’à l’osmose finale, quand les trois interprètes chanteront chacun tour à tour des extraits d’une même chanson. Et vers la fin du concert, Charbel Rouhana offrira un morceau de sa propre composition dédié à Sayyed Darwich, comme une évidence, dit-il, après avoir vécu tant de temps avec la musique de ce dernier durant les préparatifs de ce concert. Une chanson tout aussi populaire que le répertoire de Sayyed Darwich, entonné par les trois interprètes accompagnés à la voix par Charbel Rouhana lui-même.
Entre une séquence musicale et une autre, est projeté sur l’écran au fond de la scène, un extrait d’un documentaire retraçant quelques moments forts de la vie de Sayyed Darwish, éclairant à la fois l’homme et l’œuvre dans une Egypte encore sous mandat britannique. Portant les soucis du peuple tout près de ses compositions, Sayyed Darwich fut l’un des musiciens les plus populaires, engagé et même révolté. Et Issa Ghandour expliquera au public la genèse de l’un de ses chansons les plus connues : ‘Ya Balah Zaghloul’. Quand le leader nationaliste Saad Zaghloul fut exilé par les Britanniques, ils interdirent la simple prononciation de son nom. C’est alors que Sayyed Darwich composa sa célèbre chanson, autour de ces dattes, et qui se répandit comme trainée de poudre dans les rues du Caire, faisant résonner, de manière détournée, le nom banni. Quand la musique triomphe…