Le Liban a pu récupérer, en janvier 2018, trois antiquités volées pendant la guerre civile, dont une statue d'origine grecque qui date de 360 avant J.C. et qui a été exposée au Metropolitan Museum of Art américain. Cet exploit projette la lumière sur le trafic illicite des biens culturels qui menace le patrimoine archéologique libanais et l’identité libanaise. Pour lutter contre ce vol, le bureau de l’UNESCO à Beyrouth a lancé la campagne ‘Our Heritage is not for Sale’. Joseph Kreidi, agent de projet national culturel, nous en parle.
Quelles sont les causes du trafic illicite des biens culturels ?
Le trafic illicite de biens culturels s’accroit de jour en jour et n’épargne aucune région du globe.
L’ouverture des frontières, la multiplication des conflits, la pauvreté et la misère, l’essor du marché de l’art sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi le trafic illicite des biens culturels est en augmentation. Les vols ne cessent d’augmenter aussi bien dans les musées que sur les sites, notamment dans les pays en situation de conflits. Les collectionneurs privés, parfois les institutions officielles dans les pays du Nord, se voient proposer de plus en plus d’œuvres d’origine illégale. Outre une menace pour le patrimoine, le trafic illicite représente également une source de financement pour de nombreux groupes extrémistes.
Depuis quand date ce trafic au Liban ? comment menace-t-il le patrimoine libanais ?
Le trafic existe au Liban ainsi que dans la région depuis longtemps, mais la guerre civile au Liban et les conflits armés dans la région ont contribué à l’augmentation du trafic illicite, profitant ainsi de la situation dans ces pays.
Bien plus que de simples pierres et édifices, le patrimoine Libanais représente un lien précieux avec notre histoire et représente une composante essentielle de notre identité en tant qu’individus.
Quels sont les moyens de lutte contre ce vol ?
Pour lutter contre le trafic illicite des biens culturels, l’UNESCO avait établi la Convention 1970, qui prévoit des mesures que les États s'engagent à mettre en œuvre, via des moyens législatifs, éducatifs, administratifs et pénaux, pour enrayer ce fléau. Confortés par les résolutions 2199 et 2347, récemment adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UNESCO a mis en place une coalition mondiale regroupant différents partenaires afin d’empêcher les biens de franchir les frontières. De même des programmes de formation et d’aide sur le terrain ont également été mis en œuvre au Liban visant en particulier les officiers de la police, de la douane, de l’armée ainsi que le personnel de la direction générale des antiquités.
La convention de l’UNESCO de 1970 n’est-elle pas appliquée dans notre pays ?
Le Liban a ratifié la convention concernant la lutte contre le trafic illicite des biens culturels le 25/08/1992 et il s’est engagé dans l’application de cette convention tant au niveau national qu’au niveau régional. Il respecte toutes les causes de cette convention et il est en train de restituer les objets saisis au Liban aux pays d’origine concernés comme l’Irak et la Syrie
La direction générale des antiquités a établi et tiens à jour, sur la base d’un inventaire national de protection, la liste des biens culturels importants qui contient pour chaque objet les principales informations nécessaires à la gestion des collections.
En quoi consiste la nouvelle campagne ‘Our Heritage is Not for Sale’ ?
Cette campagne a été lancée, depuis le Musée National, avec le Ministère de la Culture et la direction générale des antiquités, le 12 Décembre 2017. ‘Our Heritage is Not for Sale’ a pour objectif d'attirer l'attention sur la situation actuelle et ses dangers et sur le fait que la sauvegarde du patrimoine est la responsabilité de tous. Elle vise aussi à sensibiliser le public libanais aux valeurs du patrimoine culturel et à la nécessité de le protéger pour les générations futures en mettant l'accent sur le fait que la propriété culturelle d'un pays n'est pas simplement une marchandise commercialisée sur les marchés mondiaux, elle est une incarnation de son histoire et de l'identité de son peuple. La perte dûe au vol et au trafic illicite peut conduire à la désintégration des sociétés ou à leur incapacité à se développer et à se rétablir, surtout après les crises. Cette campagne sera diffusée sur toutes les chaînes de télévision au Liban ainsi que sur les réseaux sociaux
Parlez-nous des trois antiquités volées pendant la guerre civile libanaise. Comment avez-vous pu les récupérer ?
Pour être précis, c’est le ministère de la culture qui a pu récupérer, depuis quelques semaines, 3 pièces datant de plus de 2300 ans et ceci des Etats Unis d’Amérique. Ces pièces sont originaires du Temple d’Echmoun et furent volées du Liban en 1981.
C’est grâce à cette Convention, aux négociations bilatérales entre les deux pays et à la détermination du ministère de la culture au Liban que ces pièces importantes ont été saisies et restituées à leur pays d’origine.

Existe-t-il d’autres pièces importantes perdues pendant la guerre ?
Durant la période de la guerre, il y a eu des vols, des fouilles clandestines et la disparition de plusieurs pièces.
L’UNESCO et le Ministère de la Culture sont toujours mobilisés et joignent leurs efforts afin de mettre fin à ce traffic.