15 YEARS, CROSSED PERSPECTIVES
ArtDu 04/11/2022 à 18:00 jusqu'au 02/01/2023 à 18:00
La Galerie Tanit célèbre ses quinze ans à Beyrouth avec l’exposition collective intitulée Regards Croisés.
Cette exposition au format unique propose de dévoiler le regard d’un artiste, le choix des oeuvres s’est ainsi fait à partir d’un questionnaire envoyé aux artistes de la galerie leur demandant quelles étaient les œuvre-évènements artistiques, littéraires et cinématographiques libanaises, qu’ils ont pu voir dans divers lieux culturels du pays, y compris à la galerie, et qui ont transformé leurs pratiques ou simplement marqués leurs regards au cours des quinze dernières années. Le questionnaire introduisait l’idée d’oeuvre d’art comme évènement d’après Badiou, une notion inspirée de son livre ‘Etre et Evènement’ dans lequel il explique qu’une forme de violence s’exerce sur qui vit, mais aussi subit, l’événement : cette irruption violente est aussi une éruption, une trouée dans la vie quotidienne du sujet qui en fait l’expérience, et rien ne sera plus pour lui comme avant. (Lecercle).
Mais l’événement c’est aussi ce qui est mémorable, ce qui demeure : De quelle œuvre, se souvient-on ces 15 dernières années, quelle œuvre aimerait-on montrer comme un marqueur d’un temps mais aussi comme un échange, une générosité dans le lien d’un artiste à un autre, ce qui finalement constitue la scène contemporaine libanaise.
Au total quinze oeuvres seront choisies par les artistes de la galerie, par Naila Kettaneh et moi-même, commissaire invitée, permettant d’un côté de cartographier nos regards, questionnements et découvertes mais aussi de se remémorer les lieux et évènements passés dans la ville. Ainsi se révèle le regard d’un artiste, une vie marquée par des rencontres et des amitiés comme celle de Gilbert Hage et Jalal Toufic, qui donnera naissance à plusieurs projets. Cette sélection permet de noter l’émergence de sujets récurrents comme la guerre à travers le choix de deux oeuvres en particulier ‘Toufican Ruins’ de Gilbert Hage et ‘Underwriting Mathaf’ de Lamia Joreige, mais aussi de découvrir d’autres thématiques importantes comme celle du paysage et le traitement de la lumière à travers les oeuvres de Danielle Genadry, Abed El Kadiri, Charbel Samuel Aoun, Nadim Asfar et Etel Adnan dévoilant des montagnes mystiques, des arbres envahisseurs et la lumière si distincte de la Méditerranée. Cette cartographie de la vie culturelle dévoile des discussions en cours entre artistes comme celle entre Nesrine Khodr et Nadim Asfar autour de la notion d’empreinte, d’images sculptées par le temps ou encore des échanges entre photographes comme ceux entre Gregory Buchakjian et Fouad ElKoury. Naila Kettaneh et Ghassan Zard ont choisi Joana Hadjithomas et Khalil Joreige à travers deux oeuvres sélectionnées celle de ‘A Letter Can Always Reach its Destination’, autour d’arnaques internet et des conditions de la croyance et ‘Scenarios for a Space Museum’, des bas-reliefs crées pour le musée de l’espace exposés à la foire de Tripoli en 2018, montrant des pratiques et des obsessions très personnelles autour de la latence, les constructions d’imaginaire, l’utopie et la poésie et le politique. Une présence hante aussi cette sélection et ce mot est choisi exprès pour définir l’importance des écrits de Jalal Toufic, penseur mortel comme il aime se définir, écrivant sur les fantômes et les zombies de notre ville; artiste de la galerie, qui lui-même participe à cette exposition et ce choix.
Ces regards croisés dévoilent une mémoire vivante de la ville et une constellation du monde de la création dans ses préoccupations, ses échanges les moins accessibles et les plus intimes, une solidarité mais aussi des rhizomes d’inspirations et de partages généreux.
Karina El Helou
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