Nous sommes heureux d'annoncer l'inauguration de notre deuxième espace à Beyrouth. En parallèle de la programmation de notre espace-phare de Karantina, ce nouveau local situé au centre-ville propose une plateforme dynamique qui vise à resserrer les liens et encourager les échanges avec la communauté artistique et culturelle de Beyrouth. Il témoigne de notre engagement pour la ville et de notre souhait d’offrir un lieu d’exposition facile d´accès. 

Nous inaugurons l’espace dont l’adresse est sur Google Maps ce jeudi 24 Aout avec une exposition de RAYYANE TABET : Arabesque.

L’exposition aborde le thème de l'appropriation culturelle à travers l’étude du terme Arabesquequi s´est répandu en Europe au XIXème siècle rapporté par des archéologues, des architectes ou autres explorateurs alors que les voyages en Orient deviennent de plus en plus populaires. Le mot indique un motif ornemental peint ou sculpté que l'on retrouve dans tous les domaines de l´art, de la décoration et de l’architecture. A l'origine, il signifie en italien "dans le style arabe" et aujourd'hui, il se réfère encore à un ornement constitué de lignes entrelacées. Curieusement, il n’existe pas dans le lexique arabe.

Pour créer la série de découpages présentée dans l’exposition, Tabet a utilisé les pages d’un manuscrit original de gravures du XIXème siècle publié par Jules Bourgoin (1838-1908). Au cours d’un voyage en Égypte, l’anthropologue français avait étudié les ornements architecturaux découverts lors de ses visites de sites historiques et les avait documenté dans des dessins et relevés très précis. Ses recherches approfondies ont été compilées dans des ouvrages qui ont établi les normes de ce qui était considéré à l’époque comme étant « l’Art Arabe » d’un point de vue occidental. Cherchant à se réapproprier un héritage culturel détourné, Tabet évide les pages du manuscrit, et les installe le long des murs face cachée en une frise qui ne montre donc que les ornements dont il est question. Cette composition nouvelle permet aux formes géométriques d’exister à la fois en dehors de leur contexte d’origine et du contexte dans lequel ils sont catalogués. 

L’exposition présente également une installation où l’artiste utilise la partition de Claude Debussy (1862- 1918), "Deux Arabesques”, une composition qui interprète le motif de l'arabesque sous forme musicale. Sur chacune des pages de la partition Tabet dessine une lettre du mot "Orientalisme". L'encre recouvre certaines notes, créant ainsi des vides et déconstruisant la mélodie. La composition revisitée est jouée par un processeur numérique, soulignant ainsi l’aspect arbitraire de l'interprétation européenne initiale du terme.

Une langue est toujours imprégnée par les valeurs et les référents culturels des sociétés qui l’utilisent, et exprime donc souvent des points de vue subjectifs. Au fil des siècles, les langues qui évoluent constamment, incorporent de nouveaux mots pour désigner ce qui est inédit ou étranger : le terme "arabesque" est à la base un concept purement européen utilisé pour décrire des motifs décoratifs relatifs à la région du monde arabe. Bien que ces motifs aient été au cœur de l'expression artistique dans une région où la représentation figurative était interdite, ils étaient largement perçus comme artisanaux. L'exposition de Rayyane Tabet est donc le résultat de réflexions complexes, combinés à des faits historiques, des rencontres fortuites et de puissantes émotions. En se penchant sur la migration des idées à travers le temps et l'espace, Tabet soulève des questions d'héritage, d'appropriation, de subjectivité et de perception.

RAYYANE TABET

Rayyane Tabet (1983, Ashqout, Liban) a étudié l'architecture à l'Université Cooper Union de New York et les beaux-arts à l'Université de Californie à San Diego. S'appuyant sur son expérience et ses recherches autodirigées, Tabet explore des histoires qui offrent une compréhension alternative des principaux événements sociopolitiques à travers des récits individuels. Formé en architecture et en sculpture, son travail examine les paradoxes de l'environnement construit et de son histoire à travers des installations qui reconstituent la perception de la distance physique et temporelle.

Ces dernières années, Tabet a présenté des expositions individuelles au Walker Art Center à Minneapolis (2021), à la Sharjah Art Foundation (2021), à Storefront New York (2020), à la Parasol Unit Foundation of Contemporary Art à Londres (2019), au Metropolitan Museum of Art à New York (2019), au Louvre à Paris (2019), au Carré d'Art Musée d'Art Contemporain à Nîmes (2018) et au Kunstverein à Hambourg (2017). Il a participé à de nombreuses expositions collectives internationales, notamment la Biennale Whitney (2022), la Triennale de Yokohama (2020), la Biennale de Lahore (2020), le Jameel Art Center (2018), la 21e Biennale de Sydney (2018), Manifesta 12 (2018), la 15e Biennale d'Istanbul (2017) et la 32e Biennale de São Paulo (2016).

(Photo : Aerial view of Sfeir-Semler Downtown taken from a drone footage. Courtesy of Sfeir-Semler Gallery Beirut/Hamburg)