MOUNIRA AL SOLH, STRAY SALT
ArtVernissage: 10/04/2025 à 18:00
Du 11/04/2025 à 10:00 jusqu'au 01/08/2025 à 18:00
Chaque Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi et Samedi jusqu'au 1 août 2025
Après avoir représenté le Liban à la Biennale de Venise, Mounira Al Solh revient à son pays natal avec une exposition qui poursuit son exploration de la construction des récits nationaux et de la réappropriation des mythes, dans une perspective résolument féminine. À travers des sculptures, des films, des peintures, des dessins et des œuvres textiles, l’exposition fait écho à l’exil forcé de la déesse phénicienne Europe, depuis les rivages de Tyr, au Sud-Liban, jusqu’à la Crète en Grèce — un voyage mythique qui résonne à travers le temps dans les déplacements contemporains.
En écho à la statue de l’Émigrant libanais — créée au Mexique à la fin des années 1970, et dont de nombreuses répliques ont été installées à travers le monde, y compris une version monumentale érigée au port de Beyrouth en 2003 —, Al Solh présente une sculpture en céramique émaillée qui observe le spectateur depuis la vitrine de la galerie. Représentant une voyageuse plutôt qu’un voyageur, l’œuvre met en scène une femme nue debout dans un bateau en forme de coquillage, baptisé « temps » en arabe. La voyageuse exhibe fièrement le vernis à ongles de ses orteils nus, un genou plié comme surprise dans l’acte délibéré d’avancer. Elle tire derrière elle une valise cabine moderne.
Cette tension entre références antiques et époque contemporaine surprend le visiteur tout au long de l’exposition. Des pièces murales en céramique aux peintures trompe-l'œil sur toile, Mounira Al Solh entremêle des motifs issus de mosaïques antiques, de bas-reliefs ou d’inscriptions phéniciennes avec des représentations de bateaux ou de figures féminines, tout en conservant une palette de couleurs terreuses. Dans l’une des plus grandes œuvres sur toile, l’artiste associe des pigments naturels jaunes et le rouge phénicien pour réinventer le mythe d’Europe. Au lieu d’être enlevée par Zeus, la princesse y berce tendrement ce dernier, mi-homme mi-taureau, renversant ainsi le récit de la demoiselle en détresse. Deux têtes sculptées, se tenant le visage entre les mains, repensent l’acte de pleurer comme un rituel performatif, évidées au sommet pour laisser place à un lacrymatoire.
Au centre de l’espace, une barque en bois rend hommage à nos liens ancestraux avec la mer, à la fois source de subsistance, d’enrichissement économique et de passage. Elle transporte un écran plat diffusant la toute dernière œuvre vidéo d’Al Solh, Two Airplanes and the Luggage. Ce dessin animé montre Europe fuyant par-delà les eaux, abandonnant sa valise et le taureau — partie intégrante de son histoire — pour échapper aux bombardements, et peut-être aux chaînes de son propre mythe. L’artiste y fredonne, siffle et bourdonne la bande-son elle-même, imitant tour à tour le gazouillis des oiseaux, les avions de guerre et les explosions. Tout aussi subversive, la plus récente série de peintures produites pour l’exposition, réalisée à l’acrylique sur toile, célèbre la femme en tant que donneuse de toute vie. Évoquant L’Origine du monde de Courbet, elles cherchent à reconsidérer le rôle des femmes à travers les siècles, comme lien fondamental de transmission qui permet à l’histoire de se dérouler.
L’exposition met en lumière des moments de rupture violente, des mythes anciens aux conflits armés contemporains, traçant les strates d’un traumatisme persistant qui a continuellement poussé beaucoup à l’exil. Pourtant, au sein de cette marée de pertes, l’artiste tisse un fil fragile entre passé et présent, naviguant dans un espace liminal, alourdi par le poids implacable de la guerre, mais aussi empreint d’une résistance ludique.
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Mounira Al Solh (née en 1978 au Liban, vit et travaille entre Beyrouth et Amsterdam) est une artiste visuelle dont la pratique englobe notamment l’installation, la peinture, la sculpture, la vidéo, le dessin, le texte, la broderie et les gestes performatifs. L’ironie et l’autoréflexivité sont des stratégies centrales de son travail, qui explore les questions liées aux femmes, suit les trajectoires de la micro-histoire, témoigne des effets du conflit et du déplacement, s’engage socialement, tout en étant à la fois politique et poétiquement évocateur d’évasion. Sa pratique s’appuie sur la documentation orale, la collaboration multidisciplinaire et le jeu de mots pour explorer les thèmes de la mémoire et de la perte. Animée par le désir de partage et de narration, de changement et de résistance, Al Solh s’efforce de créer un langage sensoriel qui défie les frontières nationales et religieuses.
En 2008, Al Solh a lancé NOA Magazine (Not Only Arabic), une initiative collaborative co-éditée avec des collaborateurs tels que Fadi El Tofeili, Mona Abu Rayyan et Jacques Aswad. Elle a cofondé l’école de langues NOA à Amsterdam (2013), qui a fonctionné comme une plateforme de recherche temporaire sur les relations entre langue et immigration.
Al Solh a présenté ses œuvres dans des expositions individuelles au Musée Serralves, Porto, Portugal (2025) ; Museumsquartier Osnabrück, Allemagne (2022) ; BALTIC Centre for Contemporary Art, Gateshead, Royaume-Uni (2022) ; Mori Art Museum, Tokyo (2020) ; Jameel Arts Centre, Dubaï (2018) ; Mathaf : Musée arabe d’art moderne, Doha (2018) ; et à l’Art Institute de Chicago (2018).
Elle a également participé à des expositions collectives, notamment au Centre Pompidou-Metz, France (2025) ; au Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas (2024) ; à la Biennale de Sharjah (2023) ; au Museum Het Valkhof, Nimègue, Pays-Bas (2022) ; à la Biennale de Busan (2022) ; au Musée National Pablo Picasso — La Guerre et la Paix, Vallauris, France (2020) ; au Palais de Tokyo, Paris (2020) ; au Van Abbemuseum, Eindhoven (2020) ; au Carré d’Art, Musée d’art contemporain de Nîmes (2018) ; à Documenta 14, Cassel et Athènes (2017) ; à la Biennale de Venise (2015) ; à la Triennale du New Museum, New York (2012) ; à la 9e Biennale de Sharjah (2009) ; et à la 11e Biennale internationale d’Istanbul (2009), entre autres.
En 2024, Al Solh a représenté le Liban à la 60e Biennale de Venise.
Elle est lauréate du Prix d’art ABN AMRO (2023), du Derek Williams Trust Artes Mundi Purchase Prize (2023), a reçu le prix Uriôt de la Rijksakademie, Amsterdam (2007) ainsi que le Black Magic Woman Award, Amsterdam (2007). Elle a également été finaliste du Abraaj Group Art Prize, Dubaï (2015) et nominée pour le Volkskrant Award, Amsterdam (2009). Son film Rawane’s Song a remporté le prix du jury à Videobrasil (200
LieuSfeir-Semler Downtown, Beirut
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