Confessions en temps de Corona : Philippe Aractingi
21/03/2020
Philippe Aractingi, Cinéaste
Pensez-vous que cette situation va amener à un changement ? et si oui, comment ?
Sans aucun doute. Nous vivons un moment historique. Nous sommes entrés dans un processus de réveil. Ça a commencé avec la « Thawra » et ça continue avec l’épidémie du Covid-19. Ça ne sera plus jamais comme avant. C’est une époque exceptionnelle où toute la planète s’interroge -ou va s’interroger- à la fois collectivement et individuellement, sur la pertinence de nos modèles économiques, environnementaux, sur nos rapports amoureux, et même sur nos valeurs…
La terre respire enfin. Les émissions de CO2 ont drastiquement baissé. Les hommes ont arrêté de courir « 14 heures par jour, sans savoir exactement après quoi ». Ils vont avoir le temps de se questionner. Et ce questionnement collectif va certainement engendrer un changement.
Au fond de moi, je sais bien que ce changement ne sera pas que positif, car nos sociétés sont fondées sur la croissance et nous ne savons pas décélérer sans perdre l’équilibre. Il y aura de la casse. Des faillites, de la récession, suivis de crises sociales et politiques. L’avenir risque d’être encore plus dur. Mais pour l’instant ce sont les esprits et la nature qui respirent. Tant mieux. Pour la suite, on verra bien.
De quoi est fait votre quotidien en temps de confinement ?
Lorsque soudain tout s’arrête, nous sommes contraints de stopper et de lâcher prise. To surrender. Je pourrais continuer à écrire le scenario que j’écrivais mais non, je préfère m’arrêter et contempler un moment ce temps qui se suspend. Et j’ai de la chance de pouvoir le faire. Je sais qu’il y a en ce moment beaucoup de gens qui sont terrifiés à l’idée de ne plus pouvoir travailler, car ils vivent au jour le jour.
Attendre donc mais sans peur et en rendant grâce.
Attendre mais sans s’immobiliser. Ne pas errer. Ne pas perdre son temps devant les écrans, le net, les nouvelles…
Je ressors mes vieux disques, mes vieux cahiers, mes vieilles mémoires. Je les contemple et les mesure avec la réalité d’aujourd’hui, c’est passionnant de voir comment je raisonnais lorsque tout allait bien. Je complète mes idées et je médite. Puis de temps en temps, je me permets un plaisir caché. Je fais ce que j’ai toujours rêvé de faire mais sans vraiment oser. Je dessine. Je peins, je gribouille sans but et retombe en enfance. Peut-être une manière de redémarrer en tous les cas, c’est un vrai bonheur.
Des petits bonheurs simples d’une vie active, qu’est-ce qui vous manque le plus ?
Rien pour l’instant si ce n’est la proximité des gens que j’aime et que je ne puisse rejoindre. Je prends plaisir à apprivoiser ce nouveau tempo qui nous est imposé.
Je me rends compte que c’est un luxe que je ne m’étais pas offert depuis longtemps.
Qu’est-ce qui ne vous manque pas ?
Au moment où cela a commencé, je me suis rendu compte que curieusement, j’attendais -même inconsciemment- ce moment. Ou du moins je m’y attendais, je m’y étais presque préparé. Je ne savais pas comment ça allait se déclencher mais, quelque chose en nous savait que fondamentalement que tout allait un jour où l’autre basculer. Evidement le résultat est plus terrible que l’on imagine…
Mais tout ce vacarme, cette pollution, cette course à la croissance effrénée, cette consommation à outrance, et la faim qui rôde. Tout cela n’était plus soutenable. Il fallait que ça s’arrête.
Alors rien de ce vacarme, de cette folie passée ne me manque. Au contraire.
Pour tromper l’ennui que suggérez-vous à nos lecteurs ?
Dessiner. Faire de la Musique. Danser, même seul. Faire du Yoga ou du stretching. Méditer. Et pour ceux qui croient, prier pour ceux qui souffrent.
Un mot d’encouragement
Le temps est un luxe.
Rien ne sert de se morfondre car nous n’avons plus de contrôle sur la vie. Rien ne sert de paniquer parce que nous sommes incapables d’anticiper la suite des événements et que nous ne possédons pas de remède. Dites-vous qu’il vous a été offert une chance d’avoir le temps pour vous ouvrir à vous-même et pour réfléchir à des sujets essentiels. Profitez-en.
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