« Feu inédit et jamais vu », c’est que disent toux ceux ayant déjà eu affaire aux feux de forêt. Les incendies du Akkar ont ravagé, en un rien de temps, une bonne partie du poumon libanais.
Commencement à Kobayat, au pied de la belle forêt de pins de Morghan, jouxtant les zones habitables, le 28 juillet. A 15h20, on passait par là où le feu allait prendre. Il n’y avait rien qui annonçait la catastrophe. Les tunnels verts où passaient les voitures en direction du quartier de Qatlabé ou vers Chambouc, regorgeaient de paix et de sérénité. 10 minutes après, et tout d’un coup, un énorme cylindre de flammes orange et de fumée noire et blanche s’empare du paysage. Alerte donnée, les volontaires et la Défense civile se présentent rapidement. Aucune possibilité d’intervention immédiate, l’intensité du feu et sa grandeur empêchent de s’approcher du site. Une chaleur torride. Et pour couronner le tout, comme toujours, un vent fort. En quelques minutes, le feu gagne le sommet de Morghan tout autour de la tour de guet que nous avions, dans notre association écologique, le conseil de l’Environnement, construite il y a 30 ans.
En ce moment, et dans la vallée de Oudine à Andaket, juste à côté, un autre incendie se déclare, de plusieurs points différents, brulant toute la moitié sud de cette superbe vallée et grimpant vers l’est jusqu’à Akroum ravageant plantations et forêts et progressant toujours vers l’est jusqu’à la frontière avec la Syrie, et vers le sud à Rouaymeh et quelques zones du jurd de Hermel.
Le lendemain, alors que tout continue à bruler en dépit des interventions, on allume un feu à Dawra dans un flanc de montagne où l’on a déjà eu affaire à plusieurs incendies criminels dans le but de gagner du terrain agricole, la zone étant non cadastrée. Ce feu atteint des forêts et des terrains dans Akkar el Atiqa et dans le village de Sinn.
A peine a-t-on pu maîtriser tous ces feux, un autre incendie s’empare de la belle vallée de Haql Kherbé dans Wadi Jehannam, la plus importante vallée du Liban. Et jusqu’à la rédaction de cet article, des petits feux prennent par ci et par là dans Akkar, heureusement vite maîtrisés.
Résultat du noir épisode : 22 kilomètres carrés verts évaporés, une superficie brûlée jamais égalée ! Des forêts entières de pin et de chêne, complètement calcinées. La moitié de la forêt de Morghan transformée en squelettes d’arbres noirs sur cendre. Des terrains agricoles brulés, surtout à Oudine et en grande partie à Akroum où les pertes sont colossales. Des maisons atteintes, des troupeaux touchés, la faune dévastée avec des tortues mortes partout et des chacals et des renards ayant rendu l’âme dans leurs trous… une importante flore effacée. Et un jeune homme mort en aidant son père à faire face au feu dans Akroum !
Feu provoqué ? Bien sûr. Les rapports des deux experts rendus sur place le confirment. Mais comme toujours, les investigations judiciaires trainent et ne semblent pas pouvoir, ou plutôt, vouloir aboutir.
Les conséquences sont majeures. L’équilibre écologique de la région est rompu et demandera des années à être restitué. Il en résultera un réchauffement local, une sécheresse, une amplification des insectes nuisibles qui ne sont plus mangés par les autres animaux de la forêt, un manque en oxygène dans une région qui en regorgeait, une pollution atmosphérique - les arbres de pins partis représentaient le plus grand filtre de l’air - des maladies liées aux insectes et à la pollution de l’air, des pluies diluviennes, en plus des conséquences désastreuse sur l’écotourisme montant dans la région et sur l’agriculture.
Actuellement nous en sommes aux bilans et à la mise en place d’actions de protection des zones brûlées afin qu’elles régénèrent tout naturellement, avec un refus à la tendance classique au reboisement systématique qui demande une énergie folle, piétine les pousses naturelles et donne peu de résultats. Et évidemment au renforcement des moyens locaux de s’opposer au feu dans le futur.
Par ailleurs une grande attention va être donnée à l’application de la loi concernant les feux de forêt. Il ne sera plus admis que nos forêts restent le domaine privilégié des hors-la-loi et de ceux qui les protègent.