Le festival Irtijal est le plus ancien festival de musique de Beyrouth. Comment expliquez-vous cette longévité ?
Deux facteurs principaux peuvent expliquer cette longévité. D’un côté le festival perdure car il a su s’adapter et évoluer. Il s’est ouvert à différents genres de musique alternative et expérimentale au fil des années (post-rock, électronique…) sans perdre de vue sa ligne directrice (improvisation, free-jazz, musique contemporaine…). D’un autre côté Irtijal est un festival qui a beaucoup insisté sur les rencontres entre musiciens locaux et étrangers. Cette programmation mi-libanaise mi-internationale attire les amateurs de musique expérimentale année après année car des rencontres et des collaborations musicales inédites en résultent.
Avez-vous l’impression, au fil des ans, que la musique expérimentale gagne de l’audience au Liban ?
Si on regarde l’évolution de la fréquentation du festival, la réponse est oui. Sans compter 2020 et 2021 qui sont des années particulières et non-représentative d’une activité normale, entre 2000 et 2019 le festival a accueilli plus de monde chaque année. Depuis quelques années, beaucoup de jeunes viennent au festival ce qui n’était pas forcément le cas au début, et les retours que nous avons sont très bons. On ressent que le public libanais est de plus en plus connecté à ces genres musicaux expérimentaux. C’est aussi lié encore une fois à l’évolution de la programmation du festival : l’ajout de la musique électronique à la gamme musicale du festival et la venue de pointures internationales comme Oiseaux-Tempête en 2018 a permis d’attirer une audience plus nombreuse et plus jeune. La musique expérimentale libanaise s’ouvre aux autres genres, ce qui la rend plus accessible.
Quels sont les artistes internationaux qui composent la line-up de la 21ème édition ?
Cette année nous avons réussi à faire venir au Liban des grands noms de la scène expérimentale européenne, notamment Suisse avec par exemple Paed Conca, qui est un joueur de clarinette et de basse électrique présent sur la scène musicale contemporaine depuis plus de 30 ans ; ou encore Hans Koch, un des instrumentistes à vent parmi les plus inventifs d’Europe dans le domaine de l’improvisation libre. La tête d’affiche de cette 21ème édition reste néanmoins le musicien allemand Hans-Joachim Irmler, figure mythique du Krautrock (rock expérimental allemand) et un des premiers musiciens à avoir mêlé rock alternatif et musique électronique. Il se jouera le dernier soir (vendredi) au Ballroom Blitz.
Irtijal est un festival qu’on peut qualifier d’interactif et de participatif avec de nombreux ateliers, talks et conférences ouvertes aux artistes et aux festivaliers. Les restrictions sanitaires vont-elles modifier cet aspect du festival ?
Lors de l’édition 2020 nous avons rencontré de nombreux contretemps à cause de la crise sanitaire qui battait son plein en Europe. Pratiquement tous les artistes et visiteurs étrangers ont annulé leur venue au festival. D’autre part nous n’avions pas pu présenter la rétrospective des 20 ans du festival. Pour cette édition, nous avons voulu préserver cet aspect interactif au maximum : nos ateliers qui sont animés par les musiciens invités au festival sont ouverts à tous. Malheureusement, peu de places sont disponibles en raison des restrictions sanitaires.
La crise économique que traverse actuellement le pays mine les opportunités qu’ont les artistes libanais de s’exprimer et de faire valoir leur créativité. Comment le festival Irtijal tente-t-il d’apporter des solutions à ces difficultés ?
Nous essayons d’intervenir à plusieurs niveaux. D’un côté le festival Irtijal a créé une série de commissions qui s’appelle Istimrar (« longévité » en arabe) et qui est dévouée entièrement aux artistes libanais : douze artistes locaux ont été sélectionnés et ont chacun disposé d’importants fonds pour créer douze pièces. Aucune condition ne leur a été imposé mis à part celle de penser et créer ces pièces localement. Les douze pièces seront dévoilées au Beirut Art Center à l’occasion de la deuxième journée du festival. D’un autre côté, nous avons fait le choix pour les éditions 2020 et 2021 d’inviter et de produire une grande majorité d’artistes libanais qui vivent au Liban à côté des artistes internationaux afin de leur donner plus de visibilité. Enfin, tous les concerts sont gratuits car nous voulions partager l’expérience Irtijal avec le plus grand nombre, musiciens et amateurs.
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