Danseuse de ballet pendant 28 ans, diplômée de littérature française et détenant un master en marketing de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et de la Sorbonne, Paris IV, puis d’un master en marketing et publicité, Mia Habis trouve son ancrage à Maqamat en 2008, en tant que danseuse et enseignante, en apprenant l’alphabet de la danse contemporaine… En 2015, elle est nommée directrice artistique du festival annuel Bipod: Beirut International Platform of Dance et de la palteforme Moultaqa Leymoun. Elle nous parle de Bipod 2024, qui fêtera son 20e anniversaire à Beyrouth du 16 au 21 avril 2024 "dans des lieux non dédiés".
Le partenariat d’art et de vie entre Mia Habis et Omar Rajeh est aussi solide que les points fixes d’un danseur. Et pourtant, les leurs sont en mouvement perpétuel. Ils les guident vers d’autres horizons. En France, Omar Rajeh est nommé Chevalier de l’ordre des arts et des lettres en 2021. Mia Habis dirige la diffusion et la production de la compagnie Omar Rajeh | Maqamat à l’international. Elle est cofondatrice de la plateforme culturelle numérique Citerne.live. C’est vers Beyrouth que les deux artistes reviennent avec leurs projets innovateurs, comme un retour aux sources. Ainsi naît Bipod 2024, dans la continuité de leur mouvement de création.
"Pour cette 20ᵉ édition de notre festival, notre motivation a puisé ses racines dans une alchimie complexe et puissante, marquée à la fois par nos expériences passées et ce que nous avons cultivé au fil des ans, et par les pertes douloureuses que les circonstances récentes nous ont imposées", affirme Mia Habis. "Ce qui nous insuffle une énergie renouvelée, c’est l’enthousiasme indéfectible et la passion des artistes, tant libanais qu’internationaux, l’engagement de nos partenaires culturels et, enfin, l’attachement profond et constant de notre public, qui ne cesse de nous interroger sur la prochaine édition de Bipod, témoignant d’un soutien qui transcende les épreuves", poursuit-elle.
Quant au 20e anniversaire de Bipod, elle explique: "Cette occasion incarne un symbole fort de résilience, de mémoire, de luttes et de persévérance, le tout porté par une foi inébranlable dans la capacité de l’art à construire des ponts et à démanteler les barrières. Nous voyons en cet anniversaire un témoignage de la force de l’engagement artistique face à toute forme d’oppression, de censure et d’exclusion. Notre festival se veut une célébration pour les artistes et le public libanais, mais aussi une scène accueillante pour les talents du monde entier, ouvrant une fenêtre pour les générations futures. Dans le contexte d’un Liban confronté à d’innombrables défis, notre événement se pose en bastion de la créativité et de l’expression libre, assurant que, même dans les moments les plus sombres, le dialogue avec le monde de la danse reste ouvert et vibrant. C’est notre humble contribution, à travers l’art de la danse, pour garantir que le Liban, même privé de beaucoup, reste connecté à l’élan vital et à la richesse de la culture dans le monde."
Mia Habis souligne les difficultés d’organiser le festival en 2024 à Beyrouth: "Ça n’a jamais été facile. Il s’agissait toujours de surmonter des obstacles de tailles et de natures diverses, non seulement ces dernières années, mais depuis le tout début, 2002, 2004… Implanter Maqamat, puis lancer Bipod au Liban, et atteindre le cap des 20 ans pour le festival a été un parcours formidable, mais certes semé d’embûches."
Leur motivation? "Ce qui nous a permis, non pas de contourner, mais d’affronter ces difficultés, que ce soit au Liban ou ailleurs, c’est notre conviction et notre détermination inébranlables. Nous avons maintenu le cap en nous rappelant constamment et sincèrement pourquoi nous faisons ce que nous faisons et en nous souvenant de l’impact positif qu’a pu avoir le festival sur les individus, les artistes et le pays lui-même. Les difficultés renforcent ou brisent les relations. Eh bien, nous sommes toujours là. Parce que nous en sommes convaincus. Parce que nous aimons ce que nous faisons, et que personne ne peut nous enlever qui nous sommes, ni notre motivation, ni nos danses. La culture a le pouvoir de s’exprimer, de dénoncer, de mettre en lumière, et c’est notre devoir et notre responsabilité en tant qu’artistes de continuer à nous battre et à avancer."
Élaborant sur la thématique de Bipod 2024, elle déclare: "Notre 20ᵉ anniversaire nous a incités à revisiter et à réfléchir profondément à l’essence, au format et à la nécessité de notre festival en ces temps difficiles. Notre thème de cette année est un appel à l’action, axée sur ‘faire’ et ‘partager’. Nous avons adopté une approche encapsulée dans le sous-titre To do. To share. Ce principe directeur nous a inspirés à réimaginer le format du festival, qui se déroulera dans des lieux non dédiés, favorisant une plus grande participation du public, et facilitera des interactions plus intimes avec les artistes."
Relatant la vision de Bipod 2024, Mia Habis conclut: "Notre vision est celle d’un festival à appréhender dans son ensemble, intégrant une grande diversité dans la nature des événements proposés: des performances de danse, des laboratoires de création, des tables rondes, des rencontres professionnelles, mais aussi des rencontres entre le public et les artistes, des ateliers, des expériences immersives. Ce nouveau format vise à offrir un festival condensé sur trois jours, qui foisonne de créativité, profondément immersif et résolument innovant. Notre intention est de refléter la richesse et la complexité de notre époque, en offrant un espace de rencontre et d’expression qui résonne avec les défis et les possibilités de notre temps. Bipod verra éclore et exploser la danse sous de nouveaux formats et sous toutes ses formes. Au-delà de la danse, ce sera aussi le lieu d’innombrables rencontres, un espace d’échange et de partage, et une expérience culturelle riche et vivifiante dans une ambiance festive."
Par Marie-Christine Tayah
Cet article a été originalement publié sur le site Ici Beyrouth
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