« Le monde arabe regorge d'un riche patrimoine artistique où les femmes ont toujours joué un rôle crucial, bien que souvent méconnu.
De la poésie aux arts visuels, en passant par la musique et le cinéma, les femmes ont exprimé leur vision du monde, leurs expériences et leurs aspirations, contribuant ainsi à la diversité et à la profondeur des expressions culturelles arabes. Cette année à Menart Fair, nous allons leur rendre hommage ! » Laure d’Hauteville Fondatrice et directrice de Menart Fair.
Menart Fair rend hommage aux artistes-femmes du MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). À l’image de la profusion artistique du monde arabe, la foire sera traversée par toutes les nuances d’ombre et de lumière, de douceur et de rudesse. Menart Fair s’engage aux côtés de celles dont la parole est à écouter, dont les mots sont à lire et dont le courage, la ténacité, l’élégance et la force suscitent le respect. Porter ainsi l’accent sur la création féminine
orientale, largement méconnue en occident, dans un marché mondial de l’art principalement masculin, n’est pas dépourvu d’intention.
Nous avons voulu cette année montrer au public, qu’avant d’être « femmes » elles sont artistes. Elles ont leurs manières de traiter l’identité & l’autonomie, le corps & la sexualité, leurs expériences quotidiennes, la justice sociale & politique. Ces artistes se distinguent à la fois par leurs valeurs – telles que l’égalité & l’émancipation, la solidarité, l’authenticité & l’expression personnelle, la résilience & le courage, l’inclusivité & la diversité – et par leur enracinement oriental.
Une centaine d’artistes seront mises en lumière sous l’égide de notre comité de sélection, composé d’Essia Hamdi, Stefania Angarano, Kalim Bechara et Leila Varasteh. Le levier des expertises sollicitées vise à rendre compte fidèlement de l’incroyable dynamisme de ces régions.
De nombreux facteurs – régionaux, historiques, sociaux, sexistes, économiques... – expliquent la discrétion de la création féminine dans le marché de l’art, et plus encore lorsqu'il est originaire du MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Les créations des artistes femmes de la région témoignent d’un talent, d’une maturité et d’une originalité qui méritent l’hommage que Menart Fair leur dédie cette année.
Les femmes sont connues pour être engagées. Elles s’expriment haut et fort, dénonçant les injustices du monde, la corruption, ou encore les conflits armés qui les indignent. Loin d’être invisibles, elles ont toujours été là, beaucoup plus présentes et actives qu’on ne le perçoit généralement. Oscillant entre l’affirmation et la subtilité, ces artistes proclament aussi la beauté de la vie, la force de la volonté, la grandeur des âmes, la puissance des visions, les richesses de l’altérité, l’énergie du monde et la joie d’être.
Cette édition concentre résolument la beauté bouleversante de la création féminine du monde arabe & perse.
Entretien avec Laure d’Hauteville
Pourquoi avoir choisi cette année une édition 100% féminine ?
Depuis la création de Menart en 2021, les artistes femmes occupent une place importante dans notre sélection jusque-là basée sur des critères artistiques et géographiques uniquement, sans considération de genre. De façon organique, la proportion de femmes parmi les artistes représentés dans la foire correspondait à la proportion globale des artistes femmes dans les foires d’art contemporain en Europe, soit 38% environ. Un
chiffre encourageant mais insuffisant ! Après avoir organisé 18 éditions de la Foire de Beyrouth et 12 éditions d’un salon dédié à la découverte des jeunes artistes, je sais que la scène contemporaine du Moyen-Orient regorge d’artistes femmes talentueuses mais invisibles sur la scène internationale. En 2023, les femmes artistes arabes ne représentaient que 1.5% des artistes présentés dans les galeries internationales.
Face à ce constat, nous avons pris le parti d’une édition 100% féminine cette année. À l’instar des institutions culturelles qui multiplient les initiatives pour la reconnaissance des femmes dans l’histoire de l’art, il est temps que le marché de l’art mette en œuvre des initiatives concrètes pour la valorisation et la représentation des artistes femmes. Menart Fair fait figure de pionnière parmi les foires d’art contemporain en se consacrant exclusivement au travail des créatrices issues des territoires MENA.
Quels sont les défis auxquels les femmes artistes arabes sont spécifiquement confrontées ?
Le monde arabe est vaste et il n’y a pas de situation homogène. La place des artistes femmes n’est pas la même au Proche Orient, dans le Golfe, en Iran ou au Maghreb. Cependant, les artistes femmes du monde arabe doivent globalement faire face aux stéréotypes de genres selon lesquels elles seraient moins talentueuses et moins créatives que les hommes, aux normes culturelles cantonnant les femmes à leur rôle de mère et d’épouse, ou encore à un accès limité aux ressources nécessaires pour développer leurs compétences, leur réseau et leur carrière.
Quelle évolution peut-on constater aujourd’hui ?
La visibilité des artistes femmes arabes est croissante. Nous assistons à une remise en question de nombreuses galeries qui réalisent que, malgré une sous-représentation, le travail des artistes femmes de ces régions est remarquable. Plusieurs facteurs expliquent l’évolution en cours : le talent et la détermination de ces artistes ; l’évolution des attitudes sociales et l’accès croissant des femmes à l’éducation, notamment artistique ; la montée des mouvements féministes et la création de plateformes de soutien leur étant dédiées ; une meilleure communication à l’échelle mondiale grâce aux réseaux sociaux qui leur ont également permis de se connecter entre elles. L’évolution des gouvernements des pays arabes favorise également leur reconnaissance et le développement de leur carrière. Le gouvernement égyptien a par exemple mis en place des programmes d'éducation artistique destinés aux femmes et organise des expositions et des festivals qui mettent en valeur leur travail. Les artistes marocaines
peuvent profiter de subventions délivrées par le Fonds d'appui aux arts plastiques créé par le gouvernement. Les Émirats Arabes Unis et dernièrement l’Arabie saoudite soutiennent activement les femmes artistes en leur fournissant de nombreuses aides. Ainsi, 70% des artistes venant des pays du Golfe sont aujourd’hui des femmes !
Quel est le rôle des acteurs du marché dans la valorisation des artistes femmes arabes ?
De plus en plus de femmes artistes arabes acquièrent une reconnaissance internationale. Elles sont exposées dans des musées et des galeries du monde entier, et leurs œuvres sont acquises par des institutions et des collectionneurs. Il reste néanmoins un travail important à fournir de la part des acteurs du marché de l’art pour atteindre une pleine reconnaissance sur le plan financier. Rappelons qu’en 2023, seules 2.5% des artistes
ayant vendu une œuvre plus d’un million d’euros étaient des femmes.
Les artistes femmes arabes les plus reconnues, pour n’en citer que quelques-unes, Mona Hatoum (Palestinienne), Shirin Neshat (Iranienne), Etel Adnan (Libanaise & Syrienne), Gazbia Sirry (Egyptienne), Ghada Amer (Egyptienne), Zineb Sedira (Algérienne), Afifa Aleiby (Irak), ont toutes voyagé.
En effet, pour développer sa notoriété et susciter l’intérêt des collectionneurs et des institutions, outre la qualité de son œuvre, un.e artiste doit être exposé.e dans de grandes métropoles et participer à des expositions internationales importantes. L’effort de sensibilisation et de promotion de la création artistique féminine arabe doit donc être réalisé à l’échelle internationale et les acteurs du marché de l’art ont un rôle crucial à jouer. Il est cependant important de souligner qu’avant d’être “femmes” elles sont artistes.
En quoi se distingue le travail des artistes femmes de la zone MENA ?
Les artistes femmes du monde arabe sont souvent influencées par des traditions artistiques anciennes, comme l'art islamique, l'art chinois, l'art japonais et l'art indien. Les références au passé se révèlent dans des motifs symboliques et le choix de thèmes ancestraux tels que la nature, la spiritualité ou la mythologie. Les techniques et les mediums choisis par les artistes se réfèrent également à la tradition. La
peinture à l'encre, la calligraphie et l'utilisation de pigments naturels sur soie ou papier sont courantes.
Les œuvres peuvent aussi aborder des questions sociales et politiques contemporaines spécifiques aux contextes orientaux, telles que les droits des femmes dans des sociétés conservatrices. Elles sont cependant traitées de façon plus implicites qu’en Occident.
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