Si le festival du Printemps de Beyrouth avait deux visages, les deux correspondraient au faciès du Samir Kassir que l’on connait, aux deux identités. Le premier d’abord, aurait les contours du journaliste, fervent défenseur d’un Liban démocratique et internationaliste. Le deuxième ensuite, porterait dans son regard d’écrivain, l’amour d’une culture diverse et sans frontières. Les deux visages partageraient dans une seule parole loquace, le récit de la liberté d’expression et de l’expansion des idées ; celui qui, dans la politique comme dans l’art, est essentiel et inaliénable. Celui qui fleurit au printemps des terres et ne meurt pas durant leurs hivers. « Quand Beyrouth fleurira, il annoncera la floraison à Damas » écrivait dans un de ses derniers articles celui qui percevait la géopolitique du Moyen-Orient comme une dynamique macabre de facteurs inter régionaux. Le 2 juin 2005, cette publication deviendra son oraison funèbre. Le printemps, cette saison dénaturée qui lui insuffle la vie pour la lui reprendre.
L’art et la culture ont toujours été la planche de salut pour les individus vivant dans des sociétés souffrantes
Mais retournées à la terre, les graines semées par le journaliste sur son passage germeront pour émerger de plus belle. En 2009, la fondation Samir Kassir, elle-même dirigée par Gisèle el-Khoury, la veuve du défunt, créé le Festival du Printemps de Beyrouth, une rencontre annuelle avec les acteurs du secteur culturel et artistique. Dirigé par RandaAsmar, le festival qui promeut des performances artistiques contemporaines et pluridisciplinaires aussi bien locales qu’internationales, dépeint le Beyrouth cosmopolite qui persiste en dépit de la crise. « L’art et la culture ont toujours été la planche de salut pour les individus vivant dans des sociétés souffrantes » affirme Sarah Jacquin, coordinatrice culturelle pour la fondation Samir Kassir.
Il est de ces fruits qui poussent mieux à l’ombre
A travers les performances artistiques de Lara Jokhadar, Saad Saab, ou encore Marie Louise Elia, l’édition 2021 du festival du Printemps met en scène, chante, danse la liberté de penser et de créer, dans un Liban où les crises sont les nouvelles censures et où les besoins primaires, en souffrance, occultent l’appel du beau qui est en chacun. Mais cette rencontre en partenariat avec la fondation Friedrich Naumann- avec qui ils travaillent main dans la main pour instaurer une feuille de route qui s’inscrit dans un remaniement des politiques publiques culturelles - prône par-dessus tout, la liberté d’avoir accès à la culture. C’estpour quoi l’évènement est totalement gratuit. Et si l’art suffoque malgré tout sous l’emprise de la pandémie, il sait aussi - tel une sculpture d’argile - se remodeler. « Au vu des conditions économiques et sanitaire, le festival se devait de trouver une autre formule tout en gardant le lien entre les artistes et les acteurs culturels internationaux d’une part, et le public et l’audience libanaise de l’autre. Grâce à la retransmissionen direct sur internet, l’audience s’élargit de plus en plus à l’étranger. C’est l’aspect positif de ce schéma » explique Sarah Jacquin.
Du 18 au 19 juin 2021, de 18 à 20h, le festival contera alors encore une fois, le récit du Printemps, cette douce saison où les idées éclosent. Et le public, frissonnant devant l’histoire de cette lutte interminable, retiendra son souffle, encore une fois.
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