Lecture 34 : La bougeotte, nouveau mal du siècle ? Laurent Castaignède
15/12/2022|Gisèle Kayata Eid
Un livre qui m’interpelle et probablement vous aussi.
Pourquoi sommes-nous tous enclin à toujours changer de place, de pays, d’environnement ? Comment se fait-il qu’on ne puisse même pas imaginer ne pas pouvoir voyager ? Le sous-titre du livre de cet ingénieur diplômé de l’École Centrale Paris qui a œuvré pendant neuf ans chez Renault nous donne déjà un indice : « Transports et liberté ». C’est pour répondre à ce besoin que le conseiller en impact environnemental nous explique cette envie irrépressible d’être en mouvement. Tout le temps.
Détrompez-vous toutefois, ce n’est pas un livre de psychologie, mais bien d’un expert en transports qui analyse la « maladie » depuis son apparition quand en 1914 déjà on la nommait « la fièvre du départ », décrite (en 1931) comme « une espèce d’excitation cérébrale, d’inquiétude nerveuse… qui incitent un être vivant à l’agitation et au déplacement perpétuel ».
À travers une étude rigoureuse, très étayée, l’auteur passe en revue les symptômes de la bougeotte, les accidents qu’elle provoque, le gaspillage, les pollutions, la perte de temps qui s’en suit, etc. Il remonte à ses origines (abolition des distances, tourisme de masse…), ce qui l’a favorisée (le développement de moyens de communication, notamment l’auto, le rail, la « croisiérine », l’ « avionite…) pour enfin essayer de trouver des remèdes à la bougeotte.
L’ouvrage de 165 pages prend alors tout son sens quand le conférencier et expert dans les médias développe son point de vue sur le « messianisme technologique », la nécessité de tout « dimensionner à la taille humaine » et de mobiliser le citoyen actif pour, selon les mots de René Doumic qu’il cite dans sa conclusion, « peut-être un jour… saturés de vaine agitation, nous recommencerons à goûter le charme et comprendre la beauté de cet usage antique et démodé : rester chez soi ».
D’ici là, la lecture de ce pamphlet bien fouillé et mené méthodiquement nous sort quelque peu de notre torpeur pour nous éveiller sur les innombrables dangers et les enjeux catastrophiques de cette « injonction de s’éloigner pour être heureux ».
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