À l'académie Française, ce mercredi 27 septembre 2023, Salma Kojok a reçu, des mains du président du jury, le professeur Pierre Brunel, le prix Éthiophile 2023 pour son roman « Noir Liban ».
Le Prix Ethiophile couronne des œuvres littéraires d’Afrique, de la Caraïbe et de l’Océan Indien. Les membres du jury, composé essentiellement d’écrivains et de professeurs des Universités, ont été séduit dans « Noir Liban » à la fois par l’histoire de Maïmouna qui grandit entre la Côte d’Ivoire et le Liban et par l’écriture poétique de ce roman.
Dans son discours, prononcé à l’occasion de la remise du prix, le président du jury, Pierre Brunel, membre de l’académie des sciences morales et politiques, a insisté sur les qualités littéraires de ce roman et sur l’originalité de l’histoire, la traversée d’une vie, celle de Maïmouna, née en Afrique et fille du Liban.
Marie-José Hourantier, vice-présidente du jury, professeur des Universités, a dit avoir été touchée par ce roman coup de cœur et par l’œuvre de Salma Kojok qui construit, au fil de ses romans, la grande saga de l’histoire des familles libanaises d’Afrique. Nous avons posé quelques questions à Salma Kojok à cette occasion.
Que représente ce prix Ethiophile pour vous ?
Ce prix est une belle reconnaissance de la part africaine de mon identité littéraire. Je suis née en Côte d’Ivoire, j’y ai grandi et fait une part importante de mes études et, même si je n’y habite plus depuis une trentaine d’années, je retrouve mes années africaines grâce aux romans que j’écris. Ainsi la fiction littéraire me semble aujourd’hui une voie précieuse qui me donne accès aux sensations d’Afrique et aux réalités complexes de l’exil libanais en terre africaine.
Depuis mon premier roman (La maison d’Afrique), je tente de mettre en récit l’histoire des familles libanaises d’Afrique et je suis émue que ce jury, composé d’écrivains et d’Africanistes ait choisi « Noir Liban » pour le Prix Ethiophile.
Comment est né ce roman ?
« Noir Liban » est né de plusieurs sources ; souvenirs et désirs se sont emmêlés et ont fini par donner l’énergie pour propulser le récit.
A l’origine, il y a un cri que j’entendais en moi, un cri qui pouvait me faire sursauter dans la nuit. En creusant cette piste, j’ai retrouvé le cri de Salifou dont je raconte l’histoire dans ce roman, un garçon battu pour avoir pris une banane au marché de Treichville. Je me suis souvenue du visage du garçon, de son corps endolori et des applaudissements de la foule qui encourageaient de battre un enfant.
Il y a aussi un autre élément à l’origine de ce roman : les photos en noir et blanc dans l’album familial. Ces photos, que je regardais dans mon enfance comme on lit un livre d’histoires, sont le lieu premier de la construction de mon imaginaire ; elles m’ont toujours donné une envie de roman, un désir d’écriture.
Il y a aussi l’observation de la réalité des enfants libano-ivoiriens que j’ai rencontrés à Zrariyé. Ces enfants, de père libanais et de mère ivoirienne, m’ont toujours beaucoup touchés. Ils incarnent pour moi cette histoire de rencontres et de métissages qu’a permis l’exil libanais en Afrique.
Et ainsi, par la magie de l’écriture, Maïmouna est apparue dans le foisonnement de tous ces désirs.
Que s’agissait-il pour vous d’explorer à travers l’histoire de Maïmouna, le personnage principal de Noir Liban ?
Maïmouna est née en Côte d’Ivoire d’un père libanais et d’une mère ivoirienne. A l’âge de 9 ans, son père la dépose au Liban où elle vivra désormais auprès de sa grand-mère. Ce qui m’intéresse, à travers cette figure, c’est qu’elle interroge les multiples façons de vivre l’altérité au Liban ; en particulier comment être Noir au Liban. Maïmouna est un personnage trait d’union qui raconte à la fois les drames du Liban, l’histoire de l’Afrique dominée et résistante, les préjugés, la construction d’une vie dans des identités multiples et complexes, quelquefois même contradictoires et conflictuelles. C’est tout cela que Maïmouna incarne.
A savoir
Salma Kojok présentera son roman Noir Liban au Festival Beyrouth Livres le dimanche 8 octobre à 14h à l'ESA
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