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‘Ougarit’, le premier roman de Camille Ammoun. Rencontre

21/08/2019

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce premier roman ?

En arrivant à Dubaï, il y a plus de dix ans, je m’étais demandé ce que cette ville en toc et en paillettes allait bien pouvoir m’inspirer. Ce lieu semblait avoir la forme d’une ville, tous les éléments de la ville y étaient présents, mais il lui manquait quelque chose pour en faire vraiment un objet urbain. Sa forme, donc, mais aussi la majeure partie de sa population constituée d’expatriés de passage attirés par le spectacle permanent, l’évènementiel, le ludique, en faisait à mes yeux une ville sans urbanité. C’est pour remplir ce vide que je me suis mis à écrire. 

L’idée de questionner l’urbain à travers la littérature me poursuit depuis longtemps, et c’est paradoxalement Dubaï, cette ville si peu ville, qui m’a inspiré ce roman.

 

Le véritable sujet d’Ougarit, est-ce donc l’émergence de la ville de Dubaï ?

Ougarit, un urbanologue de renommée internationale, est appelé en mission par un haut fonctionnaire du gouvernement de Dubaï. Cette mission, consiste à trouver l’âme urbaine d’un Dubaï qui se veut ville-monde mais qui ne réussit, apparemment, qu’à être un immense centre commercial doublé d’un parc de loisirs. 

À travers cette histoire, les différents personnages que croise Ougarit et les épreuves qu’ils traversent, j’essaye de démontrer que l’émergence du hub Dubaïote est le résultat d’un concourt de circonstances historiques bien plus complexe que ce que le blingbling de ses palaces donne aujourd’hui à voir au visiteur. J’aborde aussi, à travers le personnage principal du roman qui est d’origine aleppine, la destruction systématique des villes historiques du Levant, miroir de l’émergence fulgurante des villes du Golfe.

 

Qui est le personnage principal de ce roman, Ougarit Jérusalem ?

Ougarit Jérusalem est né à Alep au milieu des années soixante, adolescent il est envoyé en pensionnat à Erevan pour échapper à la conscription de l'armée syrienne. Il poursuit ses études à Barcelone où il découvre le métier d’urbanologue dont il devient le spécialiste mondial. Il s’établit enfin à Paris où il ouvre une agence d’urbanologie. 

Son exil en fait un misanthrope, hors du monde, qui cherche désespérément à entrer dans l’humanité, à faire partie de la cité. C’est de là que vient sa fascination pour la ville qu’il considère comme étant l’objet humain par excellence. 

À Dubaï il éprouve le sentiment ambivalent qu’on les arabes du Levant pour ceux du Golfe : La condescendance de ceux qui viennent de villes plusieurs fois millénaires, dépositaires de l’histoire urbaine mondiale, pour ces cités éphémères, préfabriquées, sorties du désert en quelques décennies ; et, en même temps, une certaine admiration pour les bâtisseurs du Golfe, alors qu’au Levant la ville est détruite, défaite, son tissu urbain détricoté par l’arrogance des régimes en place, le nihilisme des extrémistes, ou l’avidité des promoteurs immobiliers. 

Alors que les quêtes et les contradictions personnelles d’Ougarit se mêlent à son projet professionnel, ce n’est que trop tard qu’il réalise qu’Alep, détruite, est sans doute la seule ville qu’il pourra jamais appeler sa ville. Par ailleurs, un meurtre le projette au cœur d’une intrigue politique qui trouve sa source au sommet du gouvernement de la cité entre les deux têtes de l’exécutif. D’un côté Ali, un vieil émirati un peu poète, nostalgique de la gloire perdue des grandes villes arabes du passé. De l’autre, Fahd, chef de la sécurité, superflic, et admirateur pragmatique de l’autoritarisme des régimes arabes contemporains. 

À la fin du roman, il finit par trouver dans la création littéraire le moyen de résoudre tous les problèmes posés au cours du récit : Conserver l'âme des villes anciennes qui disparaissent dans le Croissant Fertile ; en insuffler une aux villes nouvelles qui bourgeonnent sur les côtes pétrolifères du Golfe Persique ; et, pour lui, un moyen d’entrer dans la Cité, de devenir un homme parmi les hommes.

 

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