Une esquisse beyrouthine signée Marie-Noëlle Fattal
15/11/2022|Maureen Dufournet
Marie-Noëlle Fattal signe son livre Beyrouthins à Beit Kanz, le mercredi 16 novembre 2022. A travers des photos prises entre 2018 et 2022, cette photographe a voulu raconter l’histoire des Beyrouthins afin d’exprimer la beauté et la fragilité de nos vies. Marie-Noëlle Fattal offre sa vision très personnelle des rues beyrouthines, positionnant son ouvrage à mi-chemin entre le journal intime et le reportage photographique. A la veille de la parution de son ouvrage, Marie-Noëlle Fattal nous accorde quelques instants pour répondre à nos questions.
D’où vous est venue l’idée de créer Beyrouthins ?
J’ai réalisé un premier ouvrage qui s’appelle Beirut Footsteps, où je racontais mes promenades dominicales, c’est un livre qui se veut très positif et qui vante la beauté de Beyrouth. Pour mon deuxième livre, j’ai voulu centrer un peu plus le sujet sur les Beyrouthins que j’ai pu rencontrer lors de mes balades. J’ai souhaité leur donner une place plus importante, car je sentais que c’était un petit manque qu’il fallait que je comble, j’avais envie d’essayer autre chose. C’est un ouvrage particulier, car j’en ai eu l’idée en 2018, mais avec tous les événements qui se sont succédé, je ne suis jamais parvenue à le terminer. Le temps est passé, et tout ce qui s’est produit au Liban, la Thawra, l’explosion, m’ont procuré de nouvelles photos et dicté un nouveau récit.
Animée par la spontanéité et la vérité dans vos photos, quelle histoire nous raconte votre ouvrage ?
L’ouvrage raconte l’histoire de tous ces Beyrouthins que j’ai pu rencontrer entre 2018 et 2022, ce qui a pu leur arriver, ce que j’ai vu, ceux qui m’ont marqué. J’ai longuement réfléchi à l’organisation de mes photos et j’ai décidé de donner une grande part au récit. Pour moi, c’est un livre qui se lit aussi bien en texte qu’en image. Chaque photographie est accompagnée par un texte que j’ai écrit, illustrant le cliché. Le livre est constitué d’une centaine de photos et un des principaux défis a été de trouver comment les subdiviser. J’ai voulu à tout prix éviter la succession d’images, les unes après les autres, manquant beaucoup de sens à mon goût. J’ai alors décidé de créer des chapitres, pour rythmer le livre - c’est ici mon côté littéraire qui ressort - et je les ai intitulés avec des noms qui laissent planer l’imagination. Il y a un chapitre qui s’appelle, Ici, un autre, Dans ma ville, le troisième c’est, Il y a, et le dernier chapitre donne le nom au livre : les Beyrouthins. Bien qu’il soit organisé en chapitres, ce livre reste finalement assez chronologique. Il commence par les événements de 2018 et se termine par des captures de nos vies d’aujourd’hui. Cette division s’est dessinée d’elle-même, suivant nos vies et ses changements.
Vous légendez chacune de vos publications avec une pensée positive, pouvons-nous retrouver cette positivité dans votre livre ?
J’ai toujours un regard très tendre sur les individus, amical et indulgent. Dans le livre, nous retrouvons cette vision très positive sur les gens et sur la manière avec laquelle ils traversent ce qui s’est passé et continue de se produire. Dans mes clichés, il n’y a jamais de noirceur, au contraire, j’essaye de toujours montrer ce qu’il y a de beau. Des personnes sont parfois capables du pire et peuvent commettre des actes assez horribles, mais elles sont aussi capables du meilleur. Lorsque je prends mon appareil, j’essaie alors de capturer le côté touchant toujours présent chez les Libanais, leur courage, leur gentillesse, leur sourire, leur optimisme, leur générosité malgré tout. C’est cette image que j’ai voulu montrer à travers mon dernier ouvrage, en faisant aussi ressortir leur accablement face à tout ce qui se passe. C’est un livre ancré dans la réalité, quand nous le lisons, nous lisons nos vies présentes et passées d’une façon assez subtile, car je n’aime pas utiliser de gros sabots dans les messages que je veux faire passer.
Vous communiquez constamment avec votre public sur les réseaux, quelles différences existe-t-il avec la parution d’un ouvrage ?
Mon moyen de communiquer avec le public, c’est avant tout ma page Instagram, donc parfois, je me censure si la photo n’est pas très attirante ou si le sujet n’est pas évocateur. Et dans ce livre, je me suis beaucoup moins censurée, j’ai montré les gens tels qu’ils étaient, dans leur vérité. Mon choix aussi d’insérer du texte au milieu des photos reflète mon regard sur l’image, ce que personnellement, j’ai voulu transmettre avec tel ou tel cliché. Il y a beaucoup d’images que j’aurais pu insérer dans le livre, des images très esthétiques, comme les trois arcades typiques des maisons libanaises, mais finalement pour la cohérence de mon récit, je les ai éliminées. Il y a aussi eu ce travail de choix, ce qui rend ce livre très personnel.
Pourquoi avoir choisi de vous orienter vers de la photographie de rue ?
Ce n’est pas vraiment un choix, c’est arrivé par hasard. Je suis une personne qui a toujours été attirée par l’image et l’écriture. J’ai toujours navigué entre ces deux moyens d’expression et quand je suis rentrée au Liban, j’ai commencé à photographier avec mon téléphone portable. J’ai commencé par la « street » assez spontanément, je n’y ai jamais vraiment réfléchi, puis j’ai continué à faire de la photographie de rue, mais sans suivre un véritable choix artistique, sans avoir d’idées de séries de photos ou de style particulier. Je n’ai pas de formation professionnelle dans la photographie donc c’est vraiment avec la pratique que j’ai commencé à affiner mes choix de caméras, mes idées d’angles, etc. Pour moi, le premier jet, c’est de descendre dans la rue et de voir ce qu’elle a à raconter, de photographier ce que je vois, ce que je sens, ce que me dicte mon instinct.
Beyrouthins est votre second ouvrage, quels sont vos futurs projets ?
Aujourd’hui, je me demande parfois où je vais, car j’ai l’impression d’avoir fait un peu le tour de la « street », mais c’est par là que j’ai commencé et je trouve que c’est une approche vraiment particulière et assez efficace pour décrire ce que nous voyons, ce que nous ressentons. Je vais certainement continuer dans la photographie, mais je ne sais pas encore comment, je ne sais pas ce que je vais avoir envie de dire. Mais les images vont continuer d’être mon moyen d’expression favori. Et il est sûr que cette ville et ses habitants vont continuer de m’inspirer pendant encore longtemps.
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