Depuis l’adolescence, Fatat Bahmad est attirée par les couleurs, le dessin et la peinture. Originaire de la région de Saïda, elle y est installée depuis huit ans pour y vivre et pour peindre. Elle nous a reçues chez elle, et nous a ouvert les portes de son atelier, établi au rez-de-jardin de sa maison de Kfarmelki. Elle dit ne s’éloigner que rarement de sa région, et on comprend pourquoi.
Fatat Bahmad a grandi à Beyrouth pendant la guerre civile, que sa famille et elle fuyaient en se rendant régulièrement au Sud. Elle raconte que la peinture et le dessin étaient alors pour elle une occupation refuge. Elle fait ses premiers croquis avec son oncle qui, loin d’être un artiste professionnel, crayonnait souvent des personnages et l’inspirait. Elle commence ses études à l’institut des Beaux Arts de l’Université Libanaise de Beyrouth en 1990, et a la chance d’apprendre auprès de grands noms tels que Amine El Bacha, Ali Chams, Fatima El Hajj, Jamil Molaeb, Hassan Jouni ou encore Mohammad Rawas dont elle dit utiliser les techniques quotidiennement jusqu’à aujourd’hui. Leurs enseignements influencent profondément son travail, et lui permettent de trouver ses marques. Elle tient sa première exposition en solo en 2004 à la galerie Zaman à Beyrouth. Elle enseigne l’art dans une école de Beyrouth durant 23 ans avant de se dédier pleinement à son art depuis plus d’un an aujourd’hui.
Depuis son atelier de Kfarmelki, Fatat Bahmad raconte qu’elle puise son inspiration en observant les saisons passer. Au premier plan sous ses fenêtres, le grand potager qu’elle cultive avec soin. Au fond, les paysages de la région verdoyante l’Iqlim el touffah. À l’intérieur de la pièce, tout autant de couleurs. Les toiles qu’elle peint à l’huile redessinent les contours des montagnes, des arbres, des lacs et des fleurs qui l’entourent. “Je ne pourrais pas peindre n’importe quelle nature. Celle-ci, j’aime la représenter parce que je la connais si bien. Je l’observe depuis que je suis toute petite. Je connais chaque plante, chaque fleur que je peins, quand et comment elles poussent”, raconte l’artiste. Elle dessine aussi l’intérieur de sa maison, des natures mortes, ou encore des balcons ouverts sur cette même vallée, qui donnent envie de s’y installer. La douceur règne dans ces scènes simples et paisibles.
Fatat explique que pour elle, c’est l’action de peindre qui est presque un besoin. Ses sujets n’ont pas tant d’importance. Elle s’adonne à son art de façon instinctive : “Je peins la nature en ce moment car c’est ce que je vois depuis mon atelier, mais j’ai aussi peint la ville, ma famille, la mer… Je peins toujours ce que je vois devant moi. À l’inverse, je ne me force jamais à peindre si l’envie n’est pas là.” S’autoriser à se laisser guider par son instinct, c’est aussi ce qui distingue sa période académique durant laquelle elle appliquait soigneusement tous les enseignements qu’elle avait reçus, de son travail actuel. Fatat raconte ainsi qu’elle ne fait plus de croquis avant de commencer ses toiles. Elle peint directement, et si ses envies changent, alors elle laisse les éléments déjà présents et elle les intègre au reste. “Parfois je retourne même ma toile dans un autre sens, alors on peut parfois distinguer des éléments surprenants dans le résultat final !”, raconte-t-elle en riant. “J’aime qu’on voit le processus de mon travail, les différentes couches, les différentes étapes par lesquelles je suis passée.”
Les scènes qu’elle peint proviennent toujours de moments directement observés par l’artiste, mais sa façon de les représenter relèvent davantage de son imaginaire. Elle raconte qu’elle s’endort souvent avec des couleurs plein la tête, qui s’associent entre elles, et qui lui donnent de l’inspiration pour ses œuvres. Elle utilise aussi la symbolique pour créer des présences dans ses tableaux : “parfois je sens que les scènes de mes tableaux n’ont pas besoin de personnages. Mais j’aime créer des présences par des objets qui représentent des personnes pour moi. Par exemple, si je peins un vase, ce n’est pas n’importe quel vase. Il représente ma mère ou ma sœur, ou bien une théière qui m’évoque ma grand-mère.” Malgré son attachement à son village et ses paysages, Fatat aime aussi profondément Beyrouth, et espère un jour y avoir un atelier pour y peindre à nouveau la ville.
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