Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir l’exposition de Sirine Fattouh ‘In The Middle Of A Leap Into The Void’ à Letitia Art Gallery, notre rencontre avec l’artiste vous poussera à le faire, nous l’espérons, avant le 10 août, date de clôture.
De quelle manière vos œuvres reflètent vos rêves ?
Depuis que je suis enfant, je fais beaucoup de rêves et de cauchemars très complexes dont je me souviens presque toujours. Ils ont parfois un réel impact sur mes journées et une influence sur mon humeur. L’exposition est entièrement pétrie de mon monde, de ma perception et parfois de mes peurs. Les dormeurs sont des sculptures que je réalise pendant mes nuits d’insomnies. Chaque sculpture est fabriquée en argile dans la paume de ma main, elle en prend la forme, mais aussi l’expression de ce moment spécifique. J’ai fait par la suite des tirages en argent afin que le visage de la personne qui l’aura dans les mains s’y reflète. La sculpture lumineuse Affect Infect condense toute la dualité qui existe entre le rêve et la réalité, ce qui nous affecte, mais qui peut aussi nous infecter, et le contraire est tout à fait vrai. Pour ma part, je suis profondément affectée par mes rêves qui influencent souvent ma réalité et mon quotidien. Cette dualité peut également être transposée à l’autre, celui qui peut nous affecter et en même temps nous infecter, nous détruire. Une dualité constante entre le positif et le négatif. Dans Another Night in Beirut, je filme le Tabbal (le veilleur de nuit pendant le mois du ramadan) de mon quartier, le même que celui que j’ai filmé pour la première fois en 2005. Mais, cette fois, il est assis dans la remorque d’une moto et je le filme alors qu’il a le dos tourné à la rue. Il ne s’agit plus de poser un visage sur la voix mystérieuse de cet homme, mais bien de rendre visibles sa fragilité et son rapport à la ville, à son quartier, celui qu’il sillonne depuis plus de 40 ans.
Quel rôle attribuez-vous à vos dessins et pourquoi avez-vous décidé de les révéler pour la première fois dans cette exposition ?
Mes dessins sont tout aussi importants que le reste de mes œuvres et le choix de les exposer s’est fait naturellement : il était évident que mes dessins feraient partie de l’exposition. Ils sont arrivés à un moment de lâcher-prise et de détachement. J’ai eu un besoin de me confronter de nouveau à un travail plus intime et surtout manuel. J’y représente mes rêves, mes peurs et mes angoisses, mes souvenirs d’enfance et des moments de mon quotidien depuis mon retour au Liban.
Présentez-nous le photomontage Beirut Mutations.
J’ai réalisé le photomontage Beirut Mutations à partir de mes photographies argentiques, prises à Beyrouth depuis 2005. L’image est issue d’une série de photos, mais nous avons décidé d’exposer une seule photographie. À travers ce photomontage, j’ai voulu représenter ma perception de Beyrouth, une ville que j’aime et déteste à la fois, une ville où j’aime être et que j’ai également hâte de quitter. Cette dualité j’ai voulu la représenter à travers la destruction des strates d’images. J’ai volontairement troué certaines parties de l’image en les vidant parfois de leur contenu, comme pour certaines maisons qui ne ressemblent plus qu’à des squelettes. J’ai voulu ronger l’image à la manière dont elle peut nous assaillir. Le photomontage représente donc ma perception de ma ville qui exerce sur moi une sorte de fascination et qui parfois peut être très éprouvante.
En quelques mots, décrivez-nous votre collaboration avec Mayssa Fattouh.
C’est la galerie Letitia qui nous a proposé de travailler ensemble et cela nous a tout de suite enchantées. Mayssa Fattouh est ma cousine germaine et nous avons grandi ensemble à Beyrouth. Nous avons toujours eu une sensibilité très proche et elle s’est depuis très longtemps intéressée à mon travail et à ma démarche artistique. C’était donc une collaboration fructueuse, nous nous sommes mutuellement enrichies à travers des sessions de travail et de réflexions. J’ai adoré travailler avec Mayssa, elle a une manière particulière de dialoguer avec l’autre.
In the Middle of a Leap into the Void', Sirine Fattouh
Letitia Art Gallery
(01) 353222
Jusqu’au 10 août 2019
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