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Robert Messarra, rétrospective : Toute son œuvre chante la vie

17/10/2018|Nelly Helou

Le peintre Robert Messarra (1944-2012) qui s’était exilé en France dans les années 1978- 79 avec son épouse française Marie- Helene Servant avait toujours envisagé l’organisation au Liban d’une exposition rétrospective. Il ne cessait de dire : ‘‘Un jour la paix reviendra au Liban et j’y retournerai pour exposer mes œuvres et y retrouver mes racines’’. La mort l’a devancé, mais son souhait vient de se réaliser avec cette superbe exposition qui se tient à la villa Audi depuis le 4 octobre jusqu’au 24 du mois. Plus qu’une rétrospective, c’est un véritable hommage. A ne pas manquer !

Dès ses premières expositions en 1962 puis au fil des années jusqu’en 1978, Robert Messarra s’était fait un nom au Liban. Ses peintures furent exposées dans de multiples galeries ayant pignon sur rue à Beyrouth en cette période. Elles furent longuement commentées dans plusieurs journaux et revues libanais francophones et arabophones par des critiques notoires dont Victor Hakim, Claire Gebaily, Nazih Khater, Denise Ammoun, André Bercoff, Nicole Harfouche-Malhamé… et bien d’autres
Avec la guerre du Liban Messarra choisit de s’exiler à Paris avec son épouse, il se fait un nom en France et sur le plan international à travers de multiples expositions. Ses œuvres font partie de plusieurs collections privées au Liban et dans le monde.
Aujourd’hui, la villa Audi fidèle à sa vocation, offre aux Libanais l’opportunité de découvrir ou de redécouvrir l’œuvre de Messarra. La grande affluence le soir du vernissage et l’admiration unanime des visiteurs ont témoigné à eux seuls de l’intérêt de cette exposition et des multiples messages qu’elle véhicule.
Il faut reconnaître que cette rétrospective a été longuement et minutieusement préparée par la famille Messarra, par sa veuve qui a fait le déplacement à Beyrouth pour le vernissage et avec l’étroite collaboration et compétence de la galeriste Fine Art, Aida Cherfane.

Chaque tableau est porteur de messages
Pour en savoir plus sur l’ensemble de cette œuvre et son auteur nous avons recueilli le témoignage de son frère aîné le professeur Antoine Messarra, docteur d’Etat et membre du Conseil constitutionnel libanais. ‘‘L’œuvre de Robert n’est pas décorative. Chaque tableau est porteur de sens et de messages’’, souligne-t-il. ‘‘Elle témoigne de l’exaltation et du tragique de la condition humaine. Exaltation à travers des tableaux de passion amoureuse, de rencontres, de sensualité méditative, d’angoisse, d’attachement, et toujours porteur d’une lumière libanaise et méditerranéenne’’. 
Concernant cette lumière intense qui se reflète et accroche le regard, Antoine Messarra souligne : ‘‘cette lumière est d’une source autre que celle du jour. Rouge, bleuâtre, verte, …elle baigne dans une intense spiritualité pour exprimer divers sentiments et sensations : l’espérance dans des toiles telles : ‘lumière hivernale’,’Eglise à Santorini’, ‘La montagne verte’… l’obsession de sécurité avec ces maisons entassées au bord des plages, et la volonté d’évasion dans des barques solidement accrochées ou en partance’’.

Un peintre né à l’âme poète
Sur les cimaises de la villa Audi le visiteur se laisse entrainer dans un parcours initiatique de la période libanaise 1960-1978 à celle de l’exil 1979-2012. L’une des premières œuvres réalisées en 1960 alors que Robert n’avait que 16 ans, est impressionnante. Intitulée ‘Les orphelins’, elle représente les enfants Messara, dont Robert le benjamin et son frère jumeau qui n’avaient que trois ans au décès de leur mère et 9 ans à celui de leur père. Cette toile est significative de l’état d’âme de ce jeune homme à peine sorti de l’adolescence. ‘‘Le traumatisme de la séparation maternelle et paternelle demeure tenace à l’encontre de tout effort de transcendance’’ explique Antoine Messarra. ‘‘Dans cette toile comme dans d’autres telles ‘le Christ crucifié’ (1961) on relève, affirme-t-il ‘‘le tragique des ruptures ou plus loin celui de la séparation inéluctable dans ‘détresse à Carcassonne’. N’empêche ajoute-t-il, que même dans les tableaux qui paraissent angoissés ou mélancoliques, percent une couleur rouge d’espérance, une accolade de tendresse, la soif d’écoute et d’amour. Toute son œuvre chante la vie’’.

Cette expo-rétrospective nous fait découvrir l’intensité d’un parcours de 50 ans d’un artiste de grand talent, peintre né, à l’âme poète, dont l’œuvre est pleine de vie, de couleurs, de sensations de sensibilités et d’émotions.
Les débuts sont marqués par une tendance à la spiritualité et au mysticisme. Dans les années 70, place aux paysages dont ‘la tempête’ (1973), où le vert domine, ‘la maison libanaise’ (1974) dans les tons de bleu. Cette même période est aussi marquée par les portraits et les personnages et Robert Messarra écrit à ce propos : ‘‘en 1969 je rencontre Marie Hélène de nationalité française qui devint ma femme en 1971. Au moment de cette rencontre ma peinture change complètement, ma palette devient éclatante de coloris On retrouve dans mes tableaux la fine silhouette de Marie- Helene qui s’imposait à moi et à travers mes peintures. On devinait que j’avais trouvé le grand amour. Elle est le sujet principal de mes toiles’’. 

Les années d’exil de 1978 à 2012 sont de même foisonnantes de couleurs, de personnages, de portraits, de paysages et confirment la plénitude d’une vocation. Les portraits sont vifs et colorés : ‘Les musiciens de rue’ (1988), ‘le magicien au chapeau rouge’ (2009), ‘le musicien et l’enfant’ (2011), le retour des vendanges (2011) …. Les paysages constituent un thème inépuisable : paysages de neige d’une douce lumière hivernale, nostalgie de la Bekaa dans des paysages ruraux vifs et éclatants, paysages méditerranéens : ‘la falaise de Santorin’ dans les tons pastel, période verte avec des paysages dépouillés, ‘les arbres en fleurs’, ‘les brumes vertes de Venise’. Et, ses natures mortes sont des bouquets de fleurs à cueillir et offrir.
Quant aux barques dans de petits ports de pêche, amarrées, en dérive, … elles occupent une place privilégiée dans ses peintures. Une toile de Robert Messarra sur trois représente une ou plusieurs barques dans leur milieu méditerranéen ou océanique comme en Bretagne ‘‘qui l’a fasciné’’ confie sa veuve, ou lagunaire comme à Venise. Elle ajoute : ‘‘quel que soit le paysage on a l’impression que la barque solitaire l’attend comme un refuge vers de nouvelles destinations’’.

Par ailleurs il est important de signaler que cette rétrospective s’accompagne d’un très beau catalogue réalisé par Aida Cherfane. Les peintures sont présentes par périodes et par thèmes. 
De même la rétrospective, s’enrichit d’un livre mis au point et publié par Antoine Nasri Messara, sous le titre ‘Robert Messarra : Nature nostalgie et spiritualité’ (1944-2012). Cet ouvrage parfaitement documenté travaillé avec amour, et largement illustré, apporte un éclairage exhaustif sur la vie du peintre, à travers sa propre autobiographie, et de multiples témoignages dont en premier lieu celui de son frère, sur les principales galeries où il a exposé, au Liban, en France et de par le monde, et les commentaires des critiques d’art…

 

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