Le collectif de BD Zeez est né en 2017 et est composé actuellement d’Omar Al Fil, Tracy Chahwan, Carla Habib, Nour Hifaoui et Karen Keyrouz. Expérimentale et libre, la BD de Zeez se veut à la portée de tous.
Zeez, c’est le mot arabe qui désigne la cigale, ou peut-être le grillon, "ce petit insecte qui se distingue essentiellement par son chant puissant", affirme Karen Keyrouz. "Et quand ils sont en communauté, ajoute Nour Hifaoui, ils font beaucoup de bruit". Le ton est donné, dans l’espoir de créer encore plus de vagues et d’asseoir la BD libanaise sur le marché local et même au-delà des frontières.
C’est un peu grâce à l’enthousiasme spontané et immédiat de Lena Merhej, membre fondateur de Samandal, que l’idée du collectif Zeez s’est mise en marche. Karen, Nour, Tracy et Carla étaient ensemble à l’A.L.B.A., dans la filière illustration et bande dessinée. Un jour, Lena Merhej les rassemble, les incite à former un collectif et à se présenter à un fonds de soutien d’Abaad.
Complications administratives, délai limite, ils finissent par s’associer avec l’ONG Waraq et à travailler avec eux pour leur événement annuel, Tabaan. Résultat : chaque membre du collectif crée une fanzine sur le thème de la rue. Imprimé en sérigraphie, cousu et tissé à la main, chaque livre tonnait comme un "objet d’art. Il n’était donc pas bon marché, explique Karen Keyrouz. Nous les avons ensuite imprimés en photocopies digitales avant de tourner dans les festivals", au Festival international de la BD d’Angoulême notamment, en spin-off, où le collectif suscite l’intérêt avec ses BD arabes.
Pour sa prochaine publication, qui sera lancée le 15 mars, Zeez a opté pour une technique d’impression moins couteuse et un format plus populaire. Ce sera un journal, "pour pouvoir atteindre tout le monde, affirme Nour, un journal qui peut être mis partout". Un journal dessiné, pour briser le concept du journal d’information, et renouer avec l’origine même des dessins. "La BD a commencé dans le journal, à l’étranger tout comme au Liban, précise Karen. La première fois que le dessin a été vers les gens c’était dans le journal, avec Pierre Sadek et Stavro".
Intitulé ‘Al-jarima’, ‘Le crime’, le journal se focalise sur un synopsis : le cadavre d’une femme non identifiée a été découvert aux alentours de 3h15, la nuit, étalé au centre-ville de Beyrouth, près de la statue des martyrs. A partir de cette donnée de départ, les dessinateurs de Zeez ont puisé dans leur imaginaire pour broder une histoire dessinée, prenant chacun une direction différente. Quatre histoires imprimées, signées Omar Al Fil, Tracy Chahwane, Nour Hifawi et Karen Keyrouz, et un dossier manquant "missing file", de Carla Habib, qui sera digital. Le lancement sera accompagné d’une exposition des planches originales et d’un concert dessiné. Le journal dessiné sera-t-il une publication régulière, avec à chaque fois un thème différent ? Rien n’est encore sûr, cela dépendra des ventes, du succès du format. La volonté est là, les rêves sont très grands et la liberté illimitée.
C’est ce que représente pour le moment le collectif Zeez, un large champ d’expérimentation et d’exploration, sans contraintes, sans limites, pour pousser plus loin justement les limites de la BD traditionnelle et classique à laquelle les gens sont encore habitués. Aller au-delà de l’école franco-belge ou américaine, des super-héros et des mangas, vers une BD plus indépendante, plus expérimentale, plus ancrée dans notre contexte. Au moment où la BD prospère au Liban, le marché reste toutefois restreint, limité à une certaine niche ; lancer alors un collectif de BD est un défi ? ‘‘On n’a rien à perdre, affirme Nour, au moins on essaie de faire des BD. Les collectifs débutent généralement, parce que les gens ont tout simplement envie de faire des BD. Et les BD sont un outil d’expression très facile et très puissant à la fois’’.
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