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BEYROUTH BY DAY: Zarif

03/02/2021|Tania Hadjithomas Mehanna

Ce quartier qui commença à s’aménager dans les années 1920 avec l’arrivée d’immigrés venus d’Anatolie, de Syrie et d’Irak était connu sous le nom de Raml el Zarif, c’est-à-dire sable de bonne qualité ou encore terre fertile. Les familles qui s’installent là s’attellent à construire de petites merveilles architecturales. Les palais se succèdent et le quartier devient vite très recherché tant par la qualité de son air pur que pour les nombreux jardins qui embaumaient. Les intellectuels et les notables étrangers en font leur lieu de résidence à l’instar du quartier voisin de Zokak el Blat. Des écoles s’implantent. Aujourd’hui encore les façades de la rue Spears laissent deviner le raffinement et la beauté de Zarif dans ses années de gloire. 

 

Ce qui frappe dans ce quartier c’est l’histoire qui se cache derrière chaque bâtiment, une histoire d’hommes et d’institutions, une histoire de famille et d’interrogations. Le Lycée Abdel-Kader, propriété de la Fondation Hariri depuis 1986 mais dirigé par la Mission laïque française, est un exemple probant de ce qu’a pu être l’architecture des palais de la fin du XIXe siècle. La demeure entourée de jardins était, de 1885 à 1926, la propriété du docteur Hippolyte de Brun, professeur à la Faculté française de médecine. C’est là que la Mission laïque française choisira en 1928 de transférer son école de jeunes filles fondée en 1910 à Khandak el Ghamik. L’école prendra tout naturellement le nom de sa nouvelle rue. À côté, l’orphelinat islamique Dar al Aytam el Islamiya est installé depuis 1986 dans un palais construit en 1920 qui abrita un temps l’ambassadeur de Grande-Bretagne. 

 

Si vous ne savez pas où se situe le quartier Zarif, demandez Zico House. Cette vieille maison de la rue Spears est devenue grâce à Zico, alias Moustapha Yammout, un centre culturel et artistique qui accueille des associations et des expositions, des talents, des idées et tout ce qui est branché aujourd’hui à Beyrouth. Zico, le propriétaire de la maison, avoue jouer le rôle de moukhtar : « Lorsque je me suis retrouvé seul dans cette grande maison en 1994, après le décès de mes parents et de mes oncles, je me suis demandé quoi en faire. Comme il n’était pas question que je la vende, j’ai eu l’idée de proposer à mes amis du théâtre de venir répéter ici. Petit à petit, les artistes ont pris l’habitude de se réunir là et c’est vite devenu leur maison. »

 

Zarif reflète aussi l’image d’un Beyrouth yallé ma bi mout avec sa perpétuelle agitation et son énergie puisée on ne sait où. Les snacks, sandwicheries et petits restaurants, où manger sur le pouce n’est en aucun cas synonyme de malbouffe, sont une des caractéristiques de Beyrouth. À voir les queues qui se forment à toute heure du jour et de la nuit devant l’une de ces enseignes, on éprouve le réflexe inconsidéré de se joindre à ces hordes d’affamés en quête d’une galette, d’un shawarma ou d’un sandwich de cervelle, langue et autres délicatesses. Toujours est-il que le roi des frites est vraiment le roi des frites, le king of shawarma est inégalable et le malak al falafel est le meilleur. Tout est bon et bizarrement propre. Le service ultra rapide 24 heures sur 24, les employés habiles et souriants, les policiers complices qui laissent se garer les voitures en double et triple file, le goût inoubliable de l’ail et des épices, de la graisse et des légumes croquants font qu’on y vient et revient se rassasier les sens pour une bouchée de pain. 

 

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