Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
J’ai commencé à écrire dès mon arrivée au Nigeria à la fin des années 80, poussé par l’absence de vie sociale à Lagos. Je ressentais en effet le besoin de combler mes temps libres. Comme j’aimais beaucoup le cinéma, je me suis tourné vers l’écriture de scénarios, jusqu’au jour où un réalisateur à qui j’en avais fait lire un, m’a recommandé de le transformer en roman. C’est ainsi que je suis devenu écrivain. Par la suite, j’ai réalisé que l’écriture de romans m’apportait une quiétude qui me comblait et qui m’a incitée à écrire davantage, et ce jusqu’à aujourd’hui.
Est-ce que vous vous inspirez de votre carrière professionnelle comme sujets pour certains de vos romans ?
Oui, bien sûr. On ne peut pas totalement se détacher de soi-même, de ce qu’on est. Il m’est arrivé de me projeter sur mes héros sans même m’en rendre compte. Ce fut le cas pour L’été du chirurgien, Le Pèlerin de Oujda ou Nostalgie, dont les personnages principaux sont des médecins. Je crois que ce qu’on a vécu est une source d’inspiration, consciente et inconsciente. Je n’ai pas une approche autobiographique à travers mes romans, mais il m’arrive de relater des expériences vécues que j’adapte dans le contexte de mes romans.
Parlez-nous de ‘C’est la faute à Flaubert’
Je ne suis pas un écrivain qui cherche à écrire ce qu’il veut. Je vis intensément, de sorte qu’une rencontre, un événement ou une expérience s’impose à moi et me pousse à écrire. Mon dernier livre est parti d’une découverte fortuite. Je me suis aperçu que l’Histoire n’avait pas rendu justice à Ismaïl Pacha, wali d’Égypte et petit fils de Mehmet Ali, car dans la mémoire collective il est affublé de tous les vices. Or après des recherches approfondies, je me suis aperçu que cette condamnation était le résultat de son opposition à la volonté hégémonique de la France sur l’Égypte, à laquelle avait cédé Mehmet Ali en son temps. Mon roman est ainsi un moyen de le réhabiliter. Concernant Flaubert, son voyage en Orient étant concomitant de cette époque, il m’a semblé intéressant d’aborder son homosexualité car c’est un aspect assez peu connu de sa vie. Je me devais d’en parler car en tant que médecin je veux apporter mon soutien à ces personnes trop souvent mal perçues, dans le monde arabe notamment. L’hypothèse que l’homosexualité de Flaubert n’est pas un choix mais appartient à son destin enrichit le récit.
Combien de temps consacrez-vous à l’écriture ?
C’est très irrégulier. Cependant j’occupe la plus grande partie de mon temps à la recherche et à la documentation, qui sont un préalable indispensable à l’écriture de chacun de mes romans, et qui en général me demandent une année. Le temps d’écriture par la suite est plus aléatoire et peut me prendre trois mois jusqu’à quatre ans, dépendamment des sujets.
Dans une perspective historique, comment décryptez-vous ce qu’il se passe au Liban en ce moment?
L’histoire a fait que le Liban est situé dans une géopolitique très complexe, ce que De Gaulle avait l’habitude d’appeler « L’Orient compliqué ». Il est à la croisée des chemins de puissances étrangères qui ne voient que leur propre intérêt, au détriment de ce petit pays qui n’a jamais été parfaitement libre de ses choix politiques. Depuis la chute de l’Empire ottoman, nous sommes ballotés entre divers camps et l’indépendance du Liban s’en est trouvée compromise. Depuis les débuts de la « Révolution » le 17 octobre dernier, il y a un réveil et un souffle d’espoir qu’il nous faut soutenir afin qu’advienne, inshallah, un avenir meilleur.
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