Valérie Vincent porte le Liban dans son cœur et le transporte avec elle là où elle va. Depuis Dubaï où elle réside depuis quelques courtes années, elle n’a eu de cesse d’exprimer ses sentiments envers ce petit pays qui signifie « grand » pour elle, à travers son art. La série d’arbres en céramique qu’elle a produite récemment porte autour de sa patrie d’élection, la racontant comme un conte de faits pas toujours joyeux, mais regorgeant d’amour. Chaque arbre, qui représente un événement précis ou une émotion surgie des tréfonds de l’âme de Valérie Vincent, est accompagné d’un texte qui relate son histoire. Un véritable hymne à un pays pour lequel elle ne cesse de s’engager sans jamais s’essouffler.
Si « L’arbre suit sa racine », le cœur, lui, est une infaillible boussole comme l’artiste le (ra) conte si bien : « Il était une fois, un petit pays dont l’emblème était un arbre millénaire. Ce faisant, on aurait pu penser que les arbres, et la nature y seraient préservés. Mais ce petit pays, autrefois admirable et tellement envié, était au bord de la rupture. On n’y respectait plus rien, pas même les hommes. Alors, les arbres… Une prise de conscience collective tardait à se manifester. Quand plus de cent feux de forêt se déclarèrent presque simultanément sur tout le territoire, les hélicoptères de la défense civile restèrent cloués au sol faute d’entretien. L’incompétence laissa donc brûler des milliers d’arbres. Ce n’était que le début, qu’une métaphore, car depuis l’incompétence, et la corruption, ont “brûlé” tout le pays. Les quinze années durant lesquelles j’ai vécu au Liban ont été les plus riches de ma vie. Mais tout n’a pas été rose à chaque instant, car dans ce pays tout peut arriver, le meilleur comme le pire. Il faut avoir vécu au Liban pour en percevoir toute la complexité, et pour l’aimer.
Si mon cœur bat tellement pour le Liban, c’est peut-être parce qu’il est le miroir du monde. »
Parlez-nous de ce Liban qui vous habite…
« Ah, si vous aviez connu ce petit pays ! Qui n’avait de « petit » que sa superficie d’ailleurs. Si vous aviez connu sa nature généreuse : ses montagnes aux neiges éternelles, ses cascades et ses rivières, ses plaines agricoles, sa côte qui, du nord au sud, bordait la méditerranée. Si vous aviez connu ses arbres et tout particulièrement ses cèdres ! Des arbres aux racines si profondes qu’on aurait pu penser qu’elles leur garantiraient l’éternité. Mais l’incompétence et la corruption ne se contentaient pas de laisser brûler les arbres quand survenaient des feux de forêts, elles détruisaient aussi les montagnes pour en extraire des matières premières et transformaient les plus beaux sites naturels en décharges à ordures. Même les racines n’avaient aucune chance de survivre à un tel désastre.
Certains citoyens, individuellement, avaient essayé de s’opposer à la gestion déplorable des dirigeants, mais, d’une manière ou d’une autre et toujours avec violence, on les avait fait taire. Pourtant, peu de temps après les incendies de la honte, un sursaut de conscience, déclenché par une énième injustice, fit se lever des dizaines de milliers de citoyens. Ils manifestèrent, firent de la musique et chantèrent à l’unisson sur toutes les places pour mieux se faire entendre. Ils se donnèrent aussi la main et firent une chaine humaine du nord au sud du pays. Bref, ils s’unirent sur le sol de leur patrie, comme le font les racines des arbres sous la terre qui les accueille. Après des mois de manifestations, les habitants de ce pays qui s’écroulait sur lui-même furent pourtant forcés de rester enfermés chez eux. Une pandémie s’était déclarée, elle venait s’ajouter à tous les autres maux qu’ils enduraient déjà depuis si longtemps. Seule la nature était en paix. L’air était plus respirable, on entendait à nouveau les oiseaux chanter dans les arbres qui, eux, semblaient encore plus beaux, plus attirants que d’ordinaire. »
L’explosion du 4 août un “Le coup de grâce” ? Jamais pour qui aime Beyrouth !
« L’incompétence et la corruption provoquèrent un drame au cœur même de la capitale. Une explosion gigantesque qui engendra beaucoup de morts, de blessés, de destructions et de désespoir. Cette fois, le pays était à genoux. Beaucoup de mères l’étaient aussi. Des milliers d’entre elles avaient déjà le cœur plein de l’absence de leurs enfants, partis chercher un avenir dans un autre pays, après cet ultime drame, elles furent encore plus nombreuses à ne pouvoir les retenir. Un foyer vide dans un pays brisé a-t-il encore un sens ? Le problème, dans ce petit pays, c’est que l’Homme n’y préservait pas ses racines, au sens propre comme au figuré. Il polluait tout. Pourtant le nom donné à ce territoire venait de la racine sémitique Ibn signifiant « blanc » ou « lait », en référence à la neige qui recouvrait ses sommets. Aurait-on pu faire plus pur et plus providentiel que ce trésor de pays dans la région aride où il se situait et qui manquait cruellement d’eau ? »
En dépit de tout, « pour qu’encore le nid accueille la vie », il a désespérément besoin d’amour ; de cette qualité d’amour inconditionnel que Valérie Vincent, pourtant française, lui voue…
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