Je voudrais vous dire ma révolte, je voudrais vous la dire pas l’écrire, ni la crier, ni la scander, vous la dire, vous l’articuler, vous la marteler.
Mes mots vont vous atteindre au visage tels des balles de plomb, blessantes mais pas meurtrières, je vous veux vivants face à moi, me regardant ; je vous interdis un regard fuyant, dans mes yeux, nulle part ailleurs, je suis bien clair pour vous ?
Vous m’avez tout pris : ma dignité, ma sécurité, mon oxygène, mon appétit de vivre, aimer, respirer ; silence, je ferme les yeux, la voix m’interpelle : « quelle histoire tu fabriques me dit-elle ? »
Histoire ? Fabriquer ? Mais je dis la vérité, la réalité, le vécu, rien de fabriqué et surtout pas d’histoire ! c’est moi, moi qui revendique ma place dans l’Histoire, la grande, celle de mon pays, rien de fabriqué, c’est à eux que je m’adresse, debout, leur faisant face, immobile par moments et tremblant de rage par d’autres, de rage, de colère, de désespoir mais pas de peur, ils ne me font pas peur, ils m’ont craché dessus, méprisé, raillé, j’ai mis un genou à terre, le poids de leur noirceur, leur trahison m’ont fait plier.
La voix reprend : pourquoi écris-tu la révolte à l’envers ? Il n’y a pas d’envers ni d’endroit, il y a révolte, un trop plein de souffrances, de larmes, de gémissements, de questionnements, de doutes de soi, de l’autre, du rejet des autres, ils ont essayé de me casser, me déchirer, me brûler, lécher le sol poussiéreux, boueux, eux les bourreaux ricanant…
La voix poursuit : « pourquoi déshabilles-tu ta révolte ? » parce que nue elle sera plus percutante, parce que nue elle se nourrira de celles des autres, la foule, la nation entière !
Ma révolte est allée chercher les autres dans les endroits les plus reculés, elle les a fait se relever, tourner le visage vers le ciel, tous !
Elle leur a rendu l’envie de faire entendre leurs voix par milliers, leur révolte à tous m’a lavé de mes humiliations, leur révolte à tous a porté à bout de bras mon étoffe, ma couleur, moi cèdre Libanais, tous m’ont rendu aujourd’hui ce qui les fera plier eux ;
Ma dignité, ma souveraineté
(Photo @marionvaro)
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