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La caverne de Moussa Kobeissi

14/07/2022|Léa Samara

Moussa Kobeissi est un personnage aussi culte qu’atypique, physicien de carrière, artiste de cœur, collectionneur de passion. Sa vision conceptuelle de ce qu’est une galerie est aussi marginale qu’elle n’est profondément disruptive ; et défie, à son humble échelle, les dynamiques mondialisées et capitalistes du marché de l’art au Liban, et au Moyen-Orient de manière générale. 

 

Si vous êtes à la recherche des historiques respectifs du propriétaire et de son antre, vous pouvez consulter un précédent article. Ici c’est un retour d’expérience qui vous est présenté, et par extension une invitation ; à se laisser tenter. Je suis donc allée rencontrer Moussa à plusieurs reprises à la Galerie Zamaan, située dans une petite ruelle d’Hamra, à la croisée des khodarje et des franchises téléphoniques. 

 

Moussa m’accueille immédiatement avec son immense sourire, des yeux rieurs, un KWAY bleu électrique et ses baskets de sports bien chaussées. S’en suit un tour intimiste de son repaire, de salles en salles, de toiles en toiles, un raqwe sur le feu, le tout sur une musique classique ingénieusement répartie dans toute la galerie par des haut-parleurs. La visite est inhabituelle. Il y a tellement de toiles que certaines sont accrochées, mais la plupart sont simplement empilées partout dans les pièces ; et c’est à moi d’aller fouiller un peu partout, soulever celles qui m’intriguent, et découvrir ce qui se passe derrière. Il y a donc mille et une façons de visiter cette galerie. Moussa est là pour me guider et m’expliquer les différentes thématiques, fonctions des salles ; mais il tient à conserver mon intuition initiale vers quelques châssis en particulier. Ils ont chacun leurs spécificités, contradictions, palettes… Moussa se rappelle de tout, et jongle avec les narrations. Il n’est là que quelques heures par jour, le reste de la journée étant dédiée à sa famille et au sport, mais il prend le temps qu’il faut et à la fin on a déjà l’impression de le connaître un peu.

 

Sa collection (très privée !) de cartes postales est un trésor dont tous les férus d’Histoire du Moyen-Orient doivent prendre conscience. Témoignages, milliers de bribes des micro-histoires de sociétés ; et Moussa n’exclue aucun pays du Moyen-Orient. En effet, sans être militant panarabe ; Moussa est convaincu de l’unité culturelle et d’une harmonie artistique dans la région. Et chez lui, on trouve de tout : du figuratif, des paysages, de l’abstrait, des œuvres personnelles, teintées des pigments du Liban mais aussi de la Syrie, de l’Irak… Et à tous les prix. Ni ses choix curatoriaux, ni sa façon de raconter son histoire et celle de la galerie n’ont de rapport avec le profit. Il rejette l’hypermonétisation de l’art et la spéculation, se sent proche de la doctrine de l’art pour l’art.

 

Enfin, la cerise sur le gâteau, Moussa me montre ses toiles à lui, en installant une mini exposition express, rien que pour moi. Mais il le fera volontiers aux curieux qui sauront le lui demander. Il est d’une humilité débordante, mais on sent la fierté de montrer l’œuvre de sa vie. Allez faire un tour à la galerie Zamaan, écouter les histoires de Moussa Kobeissi, trouver la toile qui vous manque, et retrouver le plaisir de chiner. 

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