Terre Promise est le nouveau recueil de textes et poèmes de Fady Noun, paru aux Éditions Artliban Calima. Rencontre.
Pouvez-vous nous le présenter ?
« Terre promise » est un récapitulatif de mon travail poétique qui précède puis s’étend sur les années de ma carrière à L’Orient-Le Jour, durant laquelle j’ai continué à écrire et à publier occasionnellement sous cette forme. C’est le résumé d'une vie et d'un monde, un entrelacement de mes souvenirs personnels, des tragédies publiques (comme l’explosion du Port de Beyrouth, les guerres, les réfugiés) et des dialogues avec un Dieu redécouvert sur le tard, et dont l’amour dévorant m’a conquis.
Pourquoi avez-vous choisi « Terre Promise » comme titre ?
J’ai choisi « Terre promise » comme titre en hommage au Liban de ma jeunesse, ce Liban d’avant la malédiction de « l’identité meurtrière », selon l’heureuse expression d’Amine Maalouf, et pour désigner la « nouvelle terre » de l’alliance entre Dieu et les hommes. La patrie et le Royaume de Dieu sont embrassés d’un même amour.
La Complainte du Port a eu droit à une annonce en couverture. Pourquoi ?
Plébiscitée par mes amis, la Complainte du Port, a eu droit à une annonce en couverture. C’est un poème singulier par sa métrique. J’ai senti que pour rendre justice à cet immense drame que fut l’explosion du 4 août 2020, il fallait une approche spirituelle qui transcende l’événement et le situe aux yeux de Dieu, et une forme qui lui soit particulière. J’ai spontanément pensé que la Vierge Marie va au-devant de la foule de plus de deux cents victimes rassemblées sur le parvis de l’Église du Ciel, et cherche à entendre de la bouche même de ces âmes, la raison de leur présence au seuil du porche de gloire. On peut penser que Dieu sait tout. Pourtant, Dieu aime nous entendre, assure la Bible. Ainsi, dans le Nouveau Testament, Jésus interroge un aveugle qui l’appelle à grands cris en lui disant : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». La chose nous semble évidente. L’homme veut être guéri de sa cécité. Mais Jésus veut l’entendre de sa bouche même.
L’inspiration est imprévisible. Elle n’emprunte jamais deux fois le même chemin. C’est la rencontre d’une attente intérieure et d’une circonstance, un moment de grâce. Mais il faut toujours s’assurer que la source soit bien d’eau claire. Je le redis en toute confiance, Dieu trouve sa joie à nous écouter et à nous parler, parfois directement, parfois en rêve, parfois en nous soufflant des phrases magiques ou des maximes de sagesse, parfois à travers les circonstances, à travers de parfaits inconnus ou de personnes qui nous aiment. A nous d’être attentifs. Mais pour ceux qui lui prêtent attention, dans un monde « plein de bruit et de fureur » dont Dieu semble absent, l’Esprit créateur, que nous avons vu s’incarner, est plus présent que jamais, par sa douleur autant que par sa gloire. Au poète de lui être attentif. Avant sa déportation à Auschwitz, où elle meurt à 29 ans, Etty Hillesum écrit : «Je vais t’aider mon Dieu à ne pas t’éteindre en moi, c’est à mon tour de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous». J’ai donné à l’un de mes poèmes le titre « A la recherche du sens perdu ». Ce sens, chacun doit s’efforcer de le trouver, sans relâche et sans rien lui préférer d’autre.
Comment est née votre vocation d’écrivain ?
J’ai d’abord envisagé d’écrire des romans. Dès ma prime adolescence, je dévorais Tolstoï, Dostoïevski, Daniel Rops, Alexandre Dumas. Je me suis tourné vers la poésie à la lecture de Georges Schéhadé, que j’ai passionnément lu. C’était, je crois, à ma première année d’université. Il vivait au Liban à l’époque et je lui rendais occasionnellement visite à son bureau de l’ambassade de France, rue Clémenceau, non loin de notre villa. L’étoile de Nadia Tuéni commençait à briller, et avec mon ami Marwan Hoss, qui publiait sa première plaquette de poésie, nous planifiions des reportages sur l’artisanat dans la Békaa, pour Télé-Liban. Ha! C’était le temps de l’insouciance.
Mon apprentissage a été long et j’ai écrit des choses gauches. Au lendemain d’une conversion profonde, après quatre ans d’études en France, j’ai abandonné l’écriture pour m’investir dans l’article, encouragé et apprécié dans mon journal. J’ai réinvesti la poésie de longues années plus tard, avec des poèmes griffonnés au réveil et dispersés sur le dos des boîtes de kleenex, des blocs-notes et des feuilles volantes.
Quels sont vos projets futurs ?
Là, sur le plan professionnel, j’ai repris ma liberté. J’écris encore quelques articles, notamment pour une agence à Rome, asianews, et m’occupe à lire de grandes œuvres que j’avais négligé, des encycliques, des Pères de l’Eglise, des classiques comme Saint-John Perse, dont les lettres et textes d’hommage gagneraient à être plus connus. J’ai la chance aussi d’avoir rencontré et d’être en échange épistolaire avec Jean-Pierre Lemaire, prix de poésie de l’Académie française. J’ai pu penser un moment qu’il n’y a pas de grands poètes, mais de grands poèmes. Mais à mes lectures, et de nouveau à son contact, je dois concéder que si nous sommes tous faits de chair et de sang, au royaume de la poésie, il y a des princes et des sujets.
Tout en publiant de temps à autre quelques articles, je prépare une édition de textes d’intérêt durable, ainsi qu’une réédition revue et augmentée d’un grand reportage privé sur les apparitions de la Vierge Marie au Liban, « Dévastation et Rédemption », dont la première édition, préfacée par l’Abbé René Laurentin, et parue sous le label de l’Institut d’études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph, est épuisée.
Fady Noun signe son recueil de textes et poèmes « Terre Promise » paru aux éditions Artliban Calima, le samedi 7 octobre entre 15h et 18h à Dar El Nimer, durant l’itinéraire littéraire dans le cadre de Beyrouth Livres 2023.
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