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Lecture 58 : Le Sacre des pantoufles, Du renoncement au monde

08/06/2023|Gisèle Kayata Eid

Le Sacre des pantoufles, Du renoncement au monde, Pascal Bruckner, Grasset, 2022

 

Non ce n’est pas une faute de frappe. Sacre est en majuscule bien en vue sur la couverture du livre et c’est bien de consécration solennelle de nos charentaises que le philosophe nous entretient dans son 17ème essai. 

Une quinzaine de chapitres qui pourraient se lire indépendamment pour nous expliquer que l’Occident se dirige vers deux tendances précises et ce depuis le début du siècle, à savoir le déclinisme et le catastrophisme.  Nous ne voulons plus rien savoir de l’extérieur, nous sommes finalement très bien avec nous-mêmes. 

 

Le prolifique éditorialiste français (actuellement au Point et au Figaro, après le Nouvel Observateur et Le Monde) a toujours « le regard aiguisé d’un érudit et le verbe cinglant d’un rebelle » comme je l’avais décrit quand je l’avais interviewé lors de son passage à Montréal en 2018. Dans son dernier essai, c’est avec la même approche qu’il met à nu toutes les manifestations de ce repli sur nous-mêmes qui, plutôt que nous aider à « mieux vivre » nous en empêche, bien au contraire. « On se définit désormais par soustraction, on souhaite moins consommer, moins dépenser, moins voyager -ou par opposition, on est contre : on est antivax, antiviande, antivote, antimasque, antinucléaire, antipass, antivoiture. D’ailleurs en médecine le terme « négatif » - ne pas être infecté par le sida ou le coronavirus- a pris un sens salutaire alors que « positif » est devenu synonyme de souffrance possible. »

 

Membre du jury du Goncourt, Pascal Bruckner a le tour pour nous charmer par exemple quand il traite de la « disette d’épidermes et la jouissance par écrans » avec son style quelque peu ironique pour dénoncer « les inquisiteurs du bas-ventre... Faire l’amour aujourd’hui, c’est ouvrir la guerre de tous contre tous. L’idée que de la joie puisse surgir du choc des épidermes s’est évanouie. Le sexe n’est plus une activité voluptueuse, c’est une massue pour rosser les autres », pour nous livrer ensuite la philosophie de cette cavale contre « le repli sur les pénates » : « La nouvelle désertion sexuelle est un symptôme d’allergie à autrui. Le vrai drame est de cesser un jour et d’aimer et de désirer et de tarir la double source magique qui nous rattache à l’existence. Le contraire de la libido, ce n’est pas l’abstinence, c’est la fatigue de vivre. » 

 

Il serait fastidieux de reprendre toutes les expressions et pensées de cet écrivain engagé qui s’échappe dans des romans dont certains ont été portés à l’écran.  Auréolé de plusieurs distinctions (prix Médicis, Renaudot, Montaigne...) Pascal Bruckner va nous chercher dans notre quotidien ronflant d’occidentalisé : « L’emblème de la civilisation post-Covid ne sera peut-être ni la fusée, ni les gratte-ciels, ni les réacteurs nucléaires, mais, plus humblement le fauteuil connecté, mi-chemin de la chaise longue et du lit, le dossier inclinable avec câbles différents. »

 

On le comprend bien : « Notre vie est d’autant plus harassante qu’il ne s’y passe rien... Chaque jour est la réplique du précédent et l’anticipation du suivant : c’est ce qu’on appelle le stress, cette guerre d’usure microscopique, faite de contrariétés, de menus soucis » ...   

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