Les femmes de mes amants, L.S Hilton, Massot éditions, 2022
Traduit de l’anglais (GB) par Carole Delporte
C’est un livre devant lequel on s’arrête par curiosité et que l’on continue par curiosité, jusqu’à la fin. On essaye de trouver un fil conducteur à ces 335 pages. Tout au plus on suit une vague énigme qui revient dans un flot de digressions dont on ne voit pas la nécessité. Mais pourtant on continue la lecture. On s’acharne à vouloir comprendre où et quand on va s’instruire, comme la 4ème de couverture le promet, à « l’éducation sans sentiment à la vie conjugale et à la trahison ». On s’arme de patience pour découvrir la « dénonciation impitoyable des hommes mariés et de leurs hypocrisies »... Peut-être dans un prochain livre.
Et pourtant, ce roman mérite qu’on s’y arrête pour plusieurs raisons.
Sur la couverture, nous piège, en haut du titre, l’inscription « par l’autrice de Maestra », premier tome (suivi de Domina et Ultima) d’une trilogie policière à saveur érotique (Robert Laffont, 2016) qui a fait l’objet d’un battage médiatique monstre avant la sortie du livre qui a paru SIMULTANÉMENT dans 40 pays. L’auteur aurait touché plusieurs millions de dollars pour ce thriller qu’on présentait être plus tripant que « Cinquante nuances de Grey ». Elle en aurait même signé une série chez HBO.
C’est ce battage médiatique qui constitue en fait l’objet véritable du livre. Quelle est la part du vrai et du faux, on ne va pas mener l’enquête.
Ce qui fait l’intérêt du roman c’est l’intrusion dans le milieu littéraire anglais (de la Grande Bretagne) qu’on découvre in vivo difficile d’accès dans ses ambiances pour un non anglophone. L’attitude des écrivains « dandy », le mépris des auteurs célèbres, l’indigence des écrivaillons, les promesses, les déceptions. C’est comme si on rentrait dans leur monde privilégié de salons littéraires, de bibliothèques, de réceptions... De quoi faire rêver... mais juste de l’extérieur.
Parce que Lisa Hilton raconte aussi dans ce roman plutôt autobiographique toutes les sales histoires de ce beau monde. On va y apprendre beaucoup sur les magouilles des éditeurs, sur les coups bas des auteurs jaloux, sur le stress vécu par les écrivains, leurs nombreuses déceptions, leur situation de « marchandise » à publiciser, « le roman avait été facile à écrire, mais très difficile à publier. Ce qui avait été encore plus pénible, c’était d’en faire la promotion, d’être la personne que les éditeurs et les journalistes attendaient de moi pendant près de deux ans... J’avais fait tout ce qu’on m’avait demandé. J’avais pris les avions et posé pour des photos. J’avais souri, et souri et souri... En plus de la fatigue accablante, j’étais constamment angoissée par l’attention qui se concentrait sur moi. Quand je devais me produire en public, je frissonnais de la tête aux pieds. J’ai vomi avant de prendre la parole au festival littéraire... J’étais rongée par le stress lors de la conférence... Je tremblais de peur dans le studio de... J’étais malade d’inquiétude quand j’ai partagé le canapé de ... »
Enfin, il faut reconnaître à Hilton sa formation en histoire de l’art et ses références érudites. Elle a à son actif neuf livres d’histoire !
Un livre différent, à découvrir.
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