Bungalow 21 – Eric Emmanuel Schmitt, Albin Michel, 2023
Un petit livre qu’on ouvre parce que c’est Éric Emmanuel Schmitt et on tombe sur quatre monstres du cinéma : Yves Montand et Simone Signoret, Arthur Miller et Marilyn Monroe. Deux couples mythiques, liés par une idylle passagère entre le beau Yves et la sulfureuse Marilyn. C’est donc cette relation extra-conjugale très célèbre qui constitue le sujet de cette pièce de théâtre, jouée d’ailleurs à la Madeleine à Paris à la mi-septembre 2023.
Si on prend quelques temps pour démarrer sur l’écriture un peu lente du scénario, on est bien vite happé par l’intensité des sentiments des uns et des autres. Les masques tombent, grands acteurs ou stars oscarisées, ce sont des hommes et des femmes qui font face à leurs désirs contrariés et leurs fragilités face au gouffre de la trahison.
L’idylle a pris corps et s’est terminée dans les circonstances décrites dans le livre, mais là n’est pas le nœud du énième opus du prolifique écrivain. Ce sont surtout les dialogues somptueux qui se déroulent dans le Bungalow 21, voisin du Bungalow 22 où Marilyn Monroe, largué par son mari, Arthur Miller, se lie d’amitié avec sa voisine Simone, mais jette aussi son grappin sur le bel Yves qui se retrouve seul dans le fameux Beverly Hills hôtel. « Méfie-toi Simone, il l’a laissée seule et tu m’as laissé seul : la solitude, c’est l’antichambre de l’adultère. »
Ce qui devait arriver, arriva et Simone, à Rome pour recevoir un Oscar, l’apprend par les journalistes qui annoncent la liaison. Terriblement blessée elle appelle son mari qui minimise l’affaire : « Qu’est-ce qu’on fait ? Qu’est-ce qu’on fait ? Mais tout rentre dans l’ordre. Tu es ma femme et je suis ton mari. Je rentre et je t’aime… Et elle de répondre cette phrase sublime : « Reviens, j’arriverai plus facilement à te pardonner, qu’à ne plus t’aimer ». À Marilyn, elle lancera : « C’est cruel le bonheur, quand il est là, on n’y prend pas garde; quand c’est parti, on s’en rend compte ». Alors que Marilyn a ces mots poignants : « Tout le monde a de la compassion pour toi. Et moi ? Est-ce qu’une personne, une seconde, quelque part dans l’univers, s’est demandé ce que j’ai éprouvé moi ? Non. Moi je suis la blonde, le cerveau oxygéné, la bête de sexe, l’aphrodisiaque sur celluloïd. Regardez-moi et branlez-vous, mais ne soupçonnes pas que j’ai un cœur, que j’aie une âme. » Elle demande pourtant à Simone de lui pardonner et Signoret qui répond : « Il y a le pardon qu’on donne et le pardon qu’on éprouve. J’ai donné le pardon à Montand pour qu’il soit en paix et que la vie reprenne, mais moi je n’éprouve pas encore le pardon intérieur, celui qui me mettrait en paix. Je souffre, j’enrage, je me ronge, je soupçonne, je crains…
Un livre qui se lit avec le cœur, comme autant de leçons de vie : « L’amour fabrique de la douleur, aussi sûrement que le manque d’amour. »
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