Les Ouïgours, Histoire d’un peuple sacrifié, Laurence Defranoux, Tallandier, 2022
Le titre m’a interpelée. Il a directement résonné dans l’actualité douloureuse, voire intolérable de ce début d’année 2024. Le livre que je vous propose va encore beaucoup plus loin. Il est insoutenable d’horreur, d’injustice, de tyrannie et de « déshumanisation ». L’intitulé de ses chapitres en dit long : « Ne montrez aucune pitié », « Bienvenue dans l’enfer des camps », « Une gigantesque prison à ciel ouvert », etc.
Sa quatrième de couverture essaye de résumer 350 pages de témoignages, de cartes historiques, de rapports d’enquête, de documents officiels étudiés par les chercheurs. « Aujourd’hui, aucun Ouïghour n’est libre. Dans cette enquête édifiante, l’auteure révèle plus de soixante-dix ans de mise en place progressive de l’engrenage génocidaire. Elle raconte le drame qui a lieu au Xinjiang, entre espionnage totalitaire high-tech et enfermement de plus d’un million d’hommes et de femmes pour « terrorisme » dans des conditions terrifiantes… »
Pour mieux vous le présenter, j’emprunterai des extraits de la préface rédigé par Raphaël Glucksmann, député européen :
« Les grands silences permettent les grands crimes. Et le silence qui entoura pendant longtemps la déportation du peuple ouïghour fut assourdissant. Des années durant le plus grand internement de masse du XXIème siècle resta dans l’ombre. Des millions d’êtres humains furent arrêtés, jetés en prison, torturés, parqués dans des camps, réduits en esclavage simplement parce qu’ils étaient Ouïghours sans que nos gouvernements ne protestent ou que nos consciences morales ne se mobilisent. Personne, au fond, n’avait réellement intérêt à parler de ces camps. Pékin niait leur existence. Les dirigeants européens préféraient les passer sous silence pour ne pas se brouiller avec la superpuissance chinoise … pour ne pas ébranler le pacte faustien qu’ils avaient noué avec le Parti communiste chinois (…) Personne ne cherchait à éclairer la nuit dans laquelle un peuple, sa culture et son histoire étaient appelé à disparaître.
Personne, sauf de rares journalistes et chercheurs qui se sont battus, souvent seuls, souvent dans l’indifférence générale, pour relayer les témoignages des victimes, mettre en lumière l’ampleur et l’horreur de la répression, faire voir ce qui ne devait pas être vu et entendre ce qui devait être tu (...) Laurence Defranoux, journaliste à Libération, en fit partie dès le début. Sans elle, sans ses consœurs et confrères, un crime contre l’humanité aurait eu lieu sans que jamais l’humanité ne s’en émeuve.
Un ouvrage immense qui fait honneur aux journalistes de la trempe de cette rédactrice-reporter sur l’Asie et la Chine, spécialiste de la question Ouïghoure qu’elle couvre depuis les années 1990.
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