Les photographies résistantes et réflexives de Gilbert Hage
20/02/2023|Noame Toumiat
“C’est de nouveau le printemps. La terre est comme un enfant qui connaît des poèmes par cœur”. Ces vers sont extraits d’un poème de l’écrivain autrichien Rainer Maria Rilke nommé Sonnet à Orphée. Ces mots, Gilbert Hage, photographe libanais, les a repris afin de nommer son exposition située à la galerie Tanit : Earth is like a child that knows poems by heart. Comme une évidence, les vers résonnaient avec la série photographique qu’il était en train d’effectuer lorsqu’il résidait à Tannourine durant le confinement en 2020. Pour l’artiste, la photographie et l’écriture se marient intimement, donnant corps à des réflexions sous-jacentes. Cela transparaît à travers la décomposition photographique et sérielle de tulipes ; de multiples allégories peuvent y être apposées, cette série catalyse les réflexions. Gilbert Hage entame un dialogue avec ses fleurs, les sacralise par une décomposition photographique et le temps passé avec celles-ci. Jusqu’au 28 février, il est possible de prolonger par le regard le travail de Gilbert en s’appropriant l’étendue d’un champ réflexif.
Ce n’est pas la première fois que Gilbert Hage travaille en collaboration avec la Galerie Tanit présente également à Munich en Allemagne. Le photographe est également professeur depuis les années 1990, à l’instar de l’ALBA (L’Académie libanaise des beaux-arts). Son processus artistique est loin d’être guidé par un simple esthétisme. Comme l’évoque la galeriste Naïla Kettaneh, « Gilbert Hage a une approche sociologique ». La photographie est pour lui un moyen de mettre en lumière certains sujets et problématiques. Sophia Armouch Jamoussi, écrivain, analyse cette série photographique en faisant une analogie avec le peuple Libanais renaissant malgré les multiples catastrophes endurées. Quand Gilbert Hage a travaillé cette série photographique, le rapprochement n’était pas aussi évident. Pourtant, celui-ci lui paraît cohérent, Gilbert laisse libre court à toutes interprétations faisant selon lui la qualité artistique d’une œuvre.
L'exposition est suivie par une autre série nommée Toufican zombies?, un nom questionnant à la fois Jalal Toufic, écrivain avec lequel le photographe a déjà collaboré, puis les zombies, une des créatures sur lesquelles l’auteur a écrit il y a plus d’une décennie. Pour Gilbert Hage, les zombies représentent ceux qui sont morts, mais subsistent parmi les vivants pour régler les injustices. Ce parallèle avec la population libanaise subsiste, justice est demandée au gouvernement politique qui tue à petit feu son peuple. Afin de représenter cela, le photographe a utilisé des masques qui ont été jetés par un ami sculpteur, voués à être recyclés. Les photographies mettent en exergue des visages cassés, symbolisant une perte d’humanité. Finalement, photographier devient un acte de résistance, tout comme un acte réflexif permettant d’installer un débat figé. Il est possible de s’immerger et de prendre de la distance par rapport à une réalité imagé ; décomposer, sélectionner, la photographie permet d’étendre le temps comme on le souhaite.
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