L'exposition "Ouvrir l'album du monde", La boîte noire aux trésors
15/05/2023|Gisèle Kayata Eid, Paris
« Ouvrir l’album du monde », exposition du 4 avril au 12 juillet sur les débuts de la photographie dans le monde, au magnifique musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris.
Essentiellement anthropologique dans sa fabuleuse exposition permanente, le musée ouvre six de ses salles pour une exposition temporaire « Photographies 1842-1911 » tout aussi époustouflante.
« Ouvrir l’album du monde ». C’est véritablement ce qu’on ressent.
C’est une remontée dans l’Histoire de tous les continents (en dehors du continent européen) avec 300 photos authentiques qui nous introduisent dans une époque, non plus imaginée à travers l’art ou reproduite par les artistes peintres, mais bien et bel ancrée dans la réalité des peuples et des pays dont on ne connaît que l’histoire rapportée.
C’est donc non sans émotion qu’on chemine à travers les photos accrochées, les médaillons, les albums photos... pour voir les (vrais) Maharajas (les hommes) ou les Maharanis (les femmes) dans toute leur splendeur, les indigènes qui posent près de la toute puissance coloniale, les saris, les bédouins, les indiens d’Amérique ou les petits noirs pendus aux seins de leur mère, collier aux chevilles... ). Beaucoup de réalités qu’ont rapporté ces photographes de la première heure qui, dès les années 1840, étaient embarqués sur les navires européens, dans des expéditions scientifiques et militaires, en partance vers les contrées qui allaient bientôt subir le joug de la colonisation, dans un but topographique et archéologique.
Le fait de voir les scènes, les visages, les paysages qui émergent par magie des murs du musée pour raconter l’Histoire, les prises de village, les lacs vierges de toutes habitations, les banales scènes de famille de l’autre bout du monde ou encore les habits d’apparat des nombreuses populations figées par cette procédure encore embryonnaire est unique et très fascinant.
Surtout quand on sait que le procédé du daguerréotype était fastidieux et que la plupart des portraits faisaient l’objet de longues minutes d’exposition. En studio, également le temps de pose était très long. Voir des clichés réels d’Australie ou d’Afrique, du Brésil ou de la Colombie ou encore de Madagascar ou de l’Indonésie et ceci 150 à 175 ans plus tard, quand on sait combien ces clichés étaient durs à obtenir, a quelque chose d’émouvant à l’heure du clic instantané qu’on obtient si aisément aujourd’hui.
Beaucoup d’informations sur les prémices de la photographie, mais aussi sur les civilisations, sur des situations inédites qui, noir sur blanc, racontent de visu ce qui a été « rapporté » par les colons et interprété par la suite. C’est le cas par exemple des rois et élites du Japon, d’Iran, d’Inde ou de la Thaïlande qui se sont aussitôt approprié ce 8ème art, quand « les dirigeants prennent conscience du potentiel de la photographie pour la représentation du pouvoir et l’affirmation de l’autorité » …
Une exposition à la fois chronologique, géographique et thématique qui atteste du témoignage si valeureux de la centaine de professionnels occidentaux mais aussi autochtones qui ont enregistré avec l’acuité de leur regard des scènes, des paysages, des portraits (des chefs amérindiens magnifiques) dont on peut imaginer la précieuse rareté et qui mettent en lumière la spécificité des traditions, usages et pratiques des quatre coins du globe, auparavant jamais « exhibés ».
Toutefois, la visite se termine sur un questionnement à propos « des limites de la visibilité ». Peut-on « tout » photographier ? Images de conflits, lieux sacrés, clichés obtenus par la ruse... ?
« Ouvrir l’album du monde » est aussi le titre éponyme d’un beau catalogue qu’Actes Sud a co-édité avec le musée, en avril 2023 : « Mondes photographiques, Histoire des débuts ».Pour ceux qui veulent emporter avec eux ces fabuleuses photos tout à fait exceptionnelles d’une fantastique exposition, elle-même adaptation de l’exposition créée pour le Louvre Abu Dhabi en 2019, sur la naissance de la photographie.
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