MA DECLARATION : TANIA INGEA
21/09/2020
Tania Ingea,
Redactrice
Quel regard portez-vous sur le centenaire du Liban ?
Est-ce l’ironie de l’histoire ou un agenda machiavélique qui a fait coïncider la célébration du centenaire du Liban avec la remise en question de l’existence même de notre pays ? Le timing, si précis, donne à penser qu’à la naissance du Grand-Liban on nous a délivré un ticket valable 100 ans et renouvelable seulement si nous le méritons. Comment retourner le sablier dans l’autre sens avant que ne s’écoulent les derniers grains de sable ? Et si l’on n’y parvient pas, notre Liban aura-t-il été une vaste supercherie ? Les mois qui viennent le diront.
Comment avez-vous vécu la catastrophe du 4 août ?
J’ai renoué avec la très grande peur, celle que l’on a quand on se sent à la merci de quelque chose qui vous dépasse de loin et qu’on est totalement impuissant à inverser le cours de choses. Je me trouvais alors dans le centre commercial de l’ABC avec mon fils et me souviens m’être dit : c’est tellement bête que nous soyons ici, maintenant. Heureusement, nous n’avons rien eu, mais ces instants resteront à tout jamais dans ma mémoire. Je n’oublierais pas non plus le silence des personnes croisées dans la rue juste après l’explosion. Personne ne savait, ni ne demandait ce qui s’était passé. Il y avait une espèce de résignation, comme après un grand cataclysme. Les gens étaient hagards mais en vie.
Considérez-vous que le Liban peut devenir une véritable nation ?
En cent ans on n’a pas réussi à le devenir. Cent autres années sont peut-être nécessaires. La question est donc de savoir quel genre d’Etat on peut construire dans l’intervalle.
Le Liban est-il votre patrie définitive ?
Oui, même s’il m’arrive de m’imaginer vivant ailleurs, dans une petite ville d’Europe sans histoires où j’aurais une routine tranquille au point d’être ennuyeuse, mais aussi, la garantie de ne pas risquer revivre un 4 août 2020.
En ces jours historiques, quelle serait votre propre Déclaration pour le Liban ?
J’aimerais commencer par déclarer le Liban pays gravement sinistré dont l’administration devrait être confiée à une instance internationale, le temps de mettre en place les structures qui lui permettront de renaître sous la forme d’un pays neutre et laïc. J’aimerais le voir doté d’institutions qui fonctionnent, où la responsabilité des dirigeants ne serait pas pervertie par la présence d’un état dans l’état ou dévoyée par une corruption généralisée. J’aimerais voir aux commandes les experts chevronnés dont notre pays ne manque pas et qui ont des solutions dans tous les domaines. J’aimerais que le Liban puisse toujours continuer à se distinguer par l’éducation et la culture, qui ont prouvé, tout au long de ces cent ans, qu’ils étaient notre seule et plus grande richesse.
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