Jamais comme cette année, n’ont défilé sur mon fil les photos des familles en fête pour Noël. Les tables bondées, les sapins rutilants, les cadeaux nombreux, les tenues brillantes… De loin, on a de la difficulté à croire que ce peuple de doux tient tête à la plus machiavélique des puissances : celle qui détient leur droit à une vie honnête, juste, sereine et sécurisée.
Ils n’ont pas fini de m’épater ces Libanais, résilients comme le roseau qui ne rompt pas. Tenaces et fiers malgré les humiliations répétitives. Deux mois et demi dans la rue ignorés, bafoués, et toujours pas de mendicité, pas de vandalisme, pas d’actes de vengeance, mais une seule réclamation : celle de leurs droits usurpés.
Et il n’est plus seulement question de cohésion famille, planche de salut et de résistance pendant des décennies. La solidarité, l’entraide, la générosité en ces temps de crise s’est élargie pour englober le quartier, le village, la ville et en ce temps des fêtes, le pays entier.
Et si cette révolution a dégagé des talents créateurs de toutes sortes, mis en valeur le professionnalisme de tant de journalistes, reconnu le discernement des jeunes, la maturité et la compétence des femmes, la profondeur de monsieur et madame tout le monde, le besoin d’apprendre, de comprendre… Si cette révolution nous a permis enfin de nous écouter les uns les autres, de rêver à un pays de droit, de redimensionner les slogans réducteurs des milices qui ont usurpé notre propension au vivre ensemble pour asseoir leur pouvoir et s’enrichir de nos dissensions…
Si cette révolution nous coûte en sacrifices, en angoisses du lendemain, en réelles peurs d’avoir faim, d’avoir soif, de ne pas pouvoir être soigné, d’être réduit à la pauvreté la plus hallucinante, notre Révolution aura eu le mérite de planter l’espoir dans le désespoir et de réveiller des sentiments nobles qui nous sont bien propres.
Avant le 17 octobre, la dignité et l’honneur avaient une connotation quelque peu péjorative. Présomption, suffisance, entêtement, exagération de quelques jeunes exaltés ou jusqu’aux crimes au nom de ces vertus… Ces mêmes vertus oubliées ou distordues qui ont sauvé tant de fois les Libanais qui n’ont jamais abdiqué, même sous la terrible occupation ottomane.
En ce début d’année, je salue mon peuple qui garde la tête haute, courageux dans le silence, bon, généreux, éduqué et surtout pacifique. Pour avoir goûté à l’amertume des guerres intestines, des guerres pour les autres, des guerres inutiles, ces Libanais sont restés dignes, résilients et courageux. Ces Libanais qui ont toujours redémarré là où les vicissitudes de la politique les ont obligés à s’installer, ceux-là même qui, pour réussir, ont gommé de leurs souvenirs, dans leur exil, jusqu’au ciel bleu de leur patrie, dans le but ultime de lui faire honneur.
Il est temps qu’ils retournent vers leur ciel bleu. C’est cet espoir que je porte en moi pour 2020.
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