Romane est une adolescente. Orpheline de père, elle vit chez sa mère qui semble n’avoir d’yeux que pour son autre enfant, un fils, qu’elle a souhaité bien davantage que sa fille, née prématurément de surcroît. Bonne élève, appréciée par ses professeurs, l’école lui est pourtant synonyme de solitude, tant elle manque d’amis avec qui échanger. Romane est la parfaite anti-héroine, la jeune femme torturée, souvent détestable et contradictoire, incomprise des gens qui l’entourent, si ce n’est délaissée. Alors, pour combler les trous, la jeune fille, “sans cadre ni repère affectif”, comme l’explique Céline Khoury Farah, “explore des recoins noirs qui correspondent à ses états d’âme”, ceux de la violence, du mal et de l’interdit. Elle se perd sur le dark web, son exutoire, se prend d’intérêt pour des pratiques scabreuses, répréhensibles. Jusqu’au choquant, jusqu’à l’inimaginable, jusqu’à l’injustifiable. Et l’autrice, d’ajouter “le sombre est sa dérive”.
Le roman évoque les différences de perceptions, les contrastes de la vie et les disparités entre réalité et virtuel. Certaines scènes, psychologiquement intenses, heurtent et provoquent unlecteur qui se doit alors de se demander comment et pourquoi est-ce que cette adolescente a pu en arriver là, alors même qu’il la méprise et la réprouve. Dérangée explore “les émotions dans leur extrême, la détresse, le manque d’affection, la violence insidieuse, celle qui fait véritablement souffrir, et qui, en famille, décuple sa force”.
Céline Khoury Farah a passé sa jeunesse au Liban puis a déménagé à Paris où elle a intégré l’ESSEC avant d’entamer une carrière dans le management hôtelier. Intriguée par “la solitude adolescente et l’impact des dysfonctionnements familiaux sur le psychisme”, elle ébauche l’idée de Dérangée lors du premier confinement lié à l’épidémie de Coronavirus, en 2020. “J’ai toujours aimé les mots, apprécié leur puissance, la palette d’émotions qu’ils transmettent, la sonorité de certains qui peuvent amuser ou gêner”, explique-t-elle. Amatrice d’une écriture qu’elle dit “incisive, provocatrice et bouleversante”, elle se lance donc dans la rédaction d’un roman qu’elle considère être “un voyage dans les émotions d’une adolescente perdue plutôt qu’une histoire”.
“Ecrire c’est se rendre fragile et se livrer en pâture à ses lecteurs”. L’autrice le sait, son roman chamboule, mais elle “n’écrit pas pour plaire”. Peut-être son “côté libanais, enraciné dans la liberté de s’exprimer, indépendamment de l’œil qui lira”. Quoi qu’il en soit, Dérangée est un voyage psychologique dans les émotions d’une adolescente atypique, un roman qui bouscule, qui donne à réfléchir et qui interroge jusqu’à la dernière phrase de sa quatrième de couverture : “Et vous, qu’allez-vous pensez de Romane?”.
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