« Ce n’est pas par hasard si la renaissance moderne de la jeunesse arabe dans la bande dessinée a accompagné les révolutions du monde arabe qui ont commencé il y a une dizaine d’années ». Ainsi se présente l’introduction d’Arab Comics Today : The New Generation. On n’aurait pas su mieux dire. C’est avec intérêt que l’on marche à travers les murs tapissés des planches de ces soixante artistes et ces onze collectifs, nouveaux acteurs de la bande dessinée de l’Iraq au Maroc en passant par la Lybie et la Syrie. Ces hommes et ces femmes forment la nouvelle génération d’illustrateurs du monde arabe, génération qui casse les codes d’une société en décalage avec leurs aspirations à plus de liberté d’expression. Certains des artistes présentés à Dar el Nimer ont des parcours saisissant de courage. Parmi eux, Zainab Fasiki est une dessinatrice marocaine connue pour sa représentation de la nudité qu’elle expose dans ces albums (notamment dans Hshouma, une bande dessinée qui détaille la culture hshouma au Maroc) et sur les réseaux sociaux, brisant ainsi le tabou de la nudité féminine dans l’art des pays musulmans. Comme de nombreux autres dessinateurs, elle fait partie de plusieurs collectifs : le collectif Skefskef qu’elle a rejoint en 2014 et le collectif féministe Women Power qu’elle a fondé en 2018. L’exposition insiste justement sur l’importance que tiennent ces regroupements d’artistes dans le développement et l’expansion de la bande-dessiné dans les pays du monde arabe, offrant à ceux qui les rejoigne un espace de solidarité, de partage et d’expression libre. Lab 619, ZEEZ, Toktok ou encore le collectif libanais Samandal, fondé en 2007 et lauréat du prestigieux Angoulême Alternative Comics Award (2019), font partie de ces quelques groupes reconnus à travers le Moyen Orient.
Tous ces jeunes artistes n’auraient certainement pas pu s’exprimer à travers leur crayon sans la contribution en amont des pionniers de la bande dessinée arabe. Une frise chronologique géante offre au visiteur le loisir de retracer l’histoire récente (de 1980 à nos jours) du 9ème art arabe, et le Liban y tient une place de choix. Des 10 pays représentés, la bande dessinée libanaise a l’histoire la plus longue et la plus dense. Celle-ci débute dès le tout début des années 1980 avec les premiers comics series de George Khoury, alias JAD, publiés dans le quotidien Annahar. Il publie en 1980 le premier album de bande dessinée arabe pour adulte : Carnaval. S’entame alors une véritable renaissance de la bande dessinée dans tout le monde arabe. Comme souvent, le Liban a su mettre en valeur son singularisme face à l’hégémonie culturel des autres États arabes, pour qui la bande dessinée ne représentait qu’un divertissement pour enfant, voire un outil de propagande. C’est ainsi que les premiers festivals de bande dessinée arabe s’organisent au Liban en 1988 et 1991. Le Maroc, l’Égypte, l’Algérie, la Palestine, la Syrie… dans chaque pays est apparue progressivement cette nouvelle génération de dessinateurs qui illustre sans filtre les contradictions et les travers d’une région marquée par les crises, parfois source de créativité artistique.
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