Une Nature à sauvegarder
Lorsque nous lui demandons pourquoi autant de clichés exposés représentent des félins, Michel Zoghzoghi s’exclame : « Je les adore, pour être honnête ! Ils représentent aussi très bien ce que j’essaye de montrer à travers mon travail : ces animaux sont très beaux, incarnent la puissance et la force de la Nature ; mais courent également un grand danger. Ce sont l’une des espèces les plus menacées du monde. Il ne reste par exemple que 3000 tigres libres dans le monde ! » En effet, en déambulant à travers ses œuvres, le spectateur se trouve face à tout ce que la faune et la flore savent créer de plus intriguant : des paysages somptueux et ponctués de végétaux où évoluent proies et prédateurs, dans un équilibre énigmatique.
Cependant, une ombre au tableau se dresse face au mur sur lequel les œuvres sont exposées : l’Humain. À travers les clichés de cette exposition Michel Zoghzoghi incite le spectateur à urgemment explorer la relation entre l’humain et le règne animal. Selon lui, la Nature est peuplée d’espèces parfois dangereuses pour l’humain qui sont devenues elles-mêmes en danger face à lui ; renversement de l’ordre naturel initié par l’agression de la faune et de la flore qu’engendre l’activité de nos civilisations modernes.
Le photographe met donc en perspective son art pour en faire ressortir un militantisme naturophile assumé, tourné vers l’appréciation et le respect de la Nature. Aux quatre coins du globe, ce passionné de photographie animalière choisi en effet de montrer aux spectateurs la grandeur et l’harmonie qui définissent le monde animal afin de créer un sursaut : nous avons beaucoup à perdre, irrémédiablement, si nous ne prenons pas les devants pour le préserver.
Une démarche artistique instinctive
La démarche artistique de Michel Zoghzoghi suit les traces des prédateurs du monde : « Je pars toujours en expédition avec une idée de ce que je voudrais. Par exemple je m’envole vers le Brésil à la rencontre des jaguars, au Kenya pour les trois plus gros félins -tigres, lions et léopards- et les déserts froids de la Haute-Asie pour la panthère des neiges. » Pourtant, tout ne se passe jamais comme dans le plan conçu : « Je suis parti pour photographier des panthères des neiges mais je ne suis revenu qu’avec un petit oiseau ! », selon lui l’important et d’aller chercher le contact avec la Nature et ne pas être rigide sur ce que l’on souhaite rapporter.
Très peu de modifications sont apportées à ses photographies, hormis l’usage du noir et blanc pour certaines. Retirant alors les teintes de ses sujets Michel Zoghzoghi met l’accent sur les formes, les regards des animaux et exposent une facette brute de ce qu’ils incarnent. C’est notamment le cas avec cette lionne.
« Le plan serré a pour but d’isoler le lion et d’en dévoiler son essence. […] Je privilégie aussi l’esthétisme dans mon travail, j’aime jouer avec la lumière et les positions des animaux : il est par exemple mystérieux de ne montrer que l’aileron d’un requin, de révéler un jaguar en chasse à demi-caché par des branchages, etc… J’aime montrer le mystère et la beauté qu’enveloppe ces animaux. »
Une passion qui se mue en métier
Michel Zoghzoghi est à la base un homme d’affaires qui gère son entreprise familiale au Liban. Il explore sa passion pour la photographie en parcourant le monde à la recherche des grands prédateurs après être tombé dans la photographie suite à des clichés qu’il avait pris lors d’un match de polo à Londres en 2006. Pour lui, cette passion se transforme de plus en plus en métier au fil des années : « J’organise mes voyages avec les guides locaux -qui sont devenus des amis-, j’imprime moi-même mes œuvres. Je suis cependant aidé, la scénographie de l’expositiona, par exemple, été confiée à une amie, Marine Bougaran. »
Lorsqu’on lui demande quels sont ses projets pour la suite, il s’enthousiasme : « J’écris un nouveau livre et j’aimerais exposer en dehors du Liban. La photographie animalière n’est pas très lucrative mais j’ai la chance de pouvoir développer cette passion, alors pourquoi pas ? »
S’exprimant alors sur le sujet financier, il précise que tous les revenus de ses expositions sont toujours versés à des associations. Les revenus de l’exposition actuelle « Other nations: a Journey through threatenedkingdoms » sont en effet intégralement reversés à l’organisme Cancer Support Fund de l’AUBMC. Pour Michel Zoghzoghi « il existe des sujets primordiaux : l’éducation, la protection animalière et la lutte contre le cancer. Je gravite alors autour des associations de ces réseaux. »
A savoir
L’exposition « Other nations: a Journey through threatenedkingdoms » est actuellement hébergée du 30 mars 2022 au 16 avril 2022 à la galerie Dar Al-Nimer. Pour en savoir plus, cliquez ici.
ARTICLES SIMILAIRES
« Sens », ou l'art de dévoiler certaines photos
10/03/2023
“Treat me like your mother” : l’histoire de 10 femmes transgenres libanaises illustrée par la photographie
Noame Toumiat
07/11/2022
Tough Flowers, la tendresse dans les détails
06/10/2022
Découvrez 22 photographes en images !
28/09/2022
‘Beirut Photo’ pour mieux capturer la capitale
22/09/2022
La Marianne Libanaise de Maher Attar
Léa Samara
26/05/2022
Exposition photographiques : Yémen, une merveille en péril
Sarah Younan
18/05/2022
Redécouvrir Le Liban à travers la caméra de James Kerwin
Clémence Buchsenschutz
14/04/2022
Coup de projecteur sur Elie Bekhazi
Emma Moschkowitz
25/11/2021
Coup de projecteur sur Bilal Jawish
Emma Moschkowitz
24/11/2021