Artivista, l’association qui colore Bab el-Tebbaneh
20/10/2022|Philippe Pernot et Marine Caleb
Le street art comme outil social. C’est le pari d’Artivista, une association française liant art et engagement communautaire. Pendant 10 jours, du 10 au 21 octobre, six artistes libanais et français ont recouvert autant de façades d’immeubles de Bab el-Tebbaneh, à Tripoli, par des fresques murales monumentales.
Elles recouvrent ainsi les impacts de balles, souvenirs du conflit avec Jabal Mohsen entre 2008 et 2015 et ont pour objectif d’apporter de la gaîté à la population. Parallèlement à la création, des workshops ont été réalisés avec la population du quartier. Le projet sera inauguré le 21 octobre à la station Apec au bord de l’autoroute longeant Tebbaneh.
Né il y a cinq ans, Artivista a pour objectif de créer des échanges entres des artistes d’un pays choisi au gré de rencontres et la France, mais aussi soutenir et mettre en lumière des quartiers et des villes défavorisées, “oubliées des politiques”. “Je voulais que mon art ait une dimension sociale”, explique Claire Prat-Marca, sa fondatrice.
Après des activités en Colombie, au Brésil ou en Irak, l’équipe choisi de s’impliquer au Liban. Et la ville de Tripoli s’est vite imposée comme étant le choix parfait pour accueillir l’art des graffeurs. “Beyrouth est déjà un pôle artistique important”, justifie-t-elle. Via un réseau d’artistes alternatifs, l’association contacte Abrashh, alias Mohamed Abrach, l’artiste derrière la gigantesque fresque murale de Sahat el Nour à Tripoli, mais aussi derrière une panoplie d’autres œuvres partout dans la ville.
Hommage
Originaire de Bab el-Tebbaneh, l’artiste a ainsi amené le projet dans son quartier. “Quand ils m’ont contacté il y a un an, je ne savais pas trop ce que j’allais peindre. Mais le 4 avril dernier, le petit Mohammad Saied a été tué par des balles perdues lors d’un affrontement à quelques rues d’ici. J’ai donc décidé de lui rendre hommage”, confie-t-il.
Sa fresque représente le garçon avec une auréole d’ange, entouré de calligraphie arabe. Pour lui, il est important de changer l’image de Tripoli et plus particulièrement de Bab el-Tebbaneh, souvent dépeinte comme un quartier dangereux, peuplé de jihadistes.
“Avec ce projet, mon but est d’ajouter une touche de couleur au quartier tout en apportant un message au reste du Liban et du monde entier”, explique-t-il. Les autres artistes, elles et eux, ont peint tour à tour des personnages phéniciens, des colombes de paix, une immense fleur, ou encore un graff stylisé de lettres arabes.
Impliquer la population
Pour réaliser ce projet au Liban, l’équipe s’est rapprochée de l’Université Saint-Joseph (USJ), de l’association March et d’une école à Tebbaneh. “On a choisi un établissement où il n’y a jamais eu de projets”, explique Pia Aboud, bénévole libanaise vivant entre le Liban et la France. Leur but, avoir un réel impact dans la vie de la population locale et créer des rencontres. “Les bénéficiaires de March et les étudiants à l’USJ ne se côtoient jamais, là ils se sont rencontrés autour des workshops. Beaucoup des étudiants n’étaient jamais venus à Tebbaneh, par exemple”, se réjouit la fondatrice.
Pour cela, des workshops ont été organisés pour inspirer les enfants, les étudiants et les adultes. Un atelier de sensibilisation à la corruption et au devoir citoyen, un “enjeu majeur au Liban”, selon Claire Prat-Marca a aussi été organisé. À côté des activités artistiques, Artivista a financé la réhabilitation de certains immeubles. “On ne pouvait pas peindre les murs et ne pas s’occuper de l’intérieur des maisons. On ne voulait pas être de ceux qui imposent un projet et s’en vont”, affirme Pia Aboud.
Alors que les artistes s’activaient sous l’oeil amusé des habitants, certains regrettaient toutefois l’aspect purement esthétique du projet. “Les fresques sont très belles, mais on ne les voit que de l’autoroute… et elles ne changent pas grand-chose à nos conditions de vie, au final”, commente Souheir, une habitante d’un immeuble repeint. “On aurait plutôt eu besoin de panneaux solaires pour nous fournir en électricité” regrette-t-elle.
Quoi qu’il en soit, Souheir et ses voisins sont invités à l’inauguration le 21 octobre. Les organisateurs espèrent que tous et toutes seront présents pour célébrer la fin de ce projet avec les partenaires et les visiteurs, autour de stands de kaake, bonbons et autres snacks venus spécialement pour l’occasion.
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