Depuis près de deux semaines, les murs de The LT Gallery à Beyrouth sont recouverts de corps féminins mêlant morphologies humaine et animale, et associant une grande variété de techniques allant de la peinture au dessin, en passant par le tricot ou le tissage. La galerie située à Mar Mikhael accueille l’exposition « Inanna Ascends » de l’artiste libanaise Fatima Mortada jusqu’au 10 février 2022.
Cette exposition est le fruit d’un « très long voyage », confie l’artiste. A travers l’étude des mythologies moyen-orientales pendant plusieurs années, Fatima Mortada s’est intéressée à la vie des femmes et à leur statut avant la naissance des trois religions qui dominent le monde actuel.
« La mythologie n’est pas un simple récit de peuples anciens. Chaque dieu et chaque déesse était associé à un symbole et renfermait d’importantes significations ». Pour l’artiste, la mythologie repose sur un « symbolisme complexe » qui laisse des traces aujourd’hui. Il est donc intéressant de comprendre nos croyances et nos comportements actuels à la lumière de l'étude des mythologies de la région.
Avec son exposition, Fatima Mortada entend réhabiliter les figures féminines mythologiques dont la symbolique a été oubliée ou modifiée au fil du temps sous l’influence du patriarcat. Elle dénonce la sexualisation des femmes dans l’histoire des arts et souhaite les présenter telles qu’elles existaient. La déesse Inanna fait figure d’exemple. Considérée comme le premier archétype féminin, cette déesse de l’amour et de la guerre issue de la mythologie mésopotamienne s’est perpétuée dans les mythologies ultérieures. Elle a évolué vers la figure de Vénus ou d’Aphrodite, mais l’aspect guerrier de sa fonction a complétement disparu.
Le travail de Fatima Mortada s’inscrit donc dans une perspective féministe critiquant le contrôle des hommes sur les femmes dans le monde. « Nous devons reconnaître le pouvoir des femmes, nous ne pouvons plus continuer à le nier ».
Un engagement féministe qu’elle poursuit jusqu’au bout. « Ma technique est très liée aux thèmes sur lesquels je travaille. Je suis remontée dans l'histoire et j'ai découvert que l’acte de tricoter était réalisé par des femmes sages et sacrées, il ne s'agissait pas seulement d'un emploi domestique. »
Le féminisme de Fatima Mortada est aussi une ode à la nature. Elle regrette que les sociétés actuelles s’en soient autant éloignées en plaçant l’homme au centre du monde, au mépris de la nature, qui constituait le fondement des mythologies anciennes.
Elevée dans une famille musulmane conservatrice, l’artiste a aspiré à la liberté dès son plus jeune âge. Après avoir étudié la philosophie et l’art au Liban, elle s’est installée au Royaume-Uni pour poursuivre ses études d’art avec un master, puis un doctorat. « Là-bas, j’ai vraiment pu m’épanouir...puis j’ai préféré revenir là où je me sens vraiment à ma place, au Liban. »
Celle qui se considère comme « une artiste politique », revendique aujourd’hui sa liberté à travers son art, qu’elle conçoit comme un acte de « résistance ultime ». Une liberté que l’artiste veut faire éclore chez les visiteurs. « Je veux qu'ils se posent des questions, qu'ils s'interrogent. La liberté est illimitée pour essayer et expérimenter, peu importe si on réussit ou pas. »
L’exposition de Fatima Mortada est divisée en deux phases. Les amateurs d'art sont attendus pour le lancement de la deuxième partie ce mardi 1er février à The LT Gallery de 18h à 21h, où seront exposées des robes cousues main par l’artiste, chacune racontant l'histoire d'une femme différente.
En mars 2022, l’artiste participera à une exposition collective à l’ABC Verdun à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Après cela, elle prévoit de poursuivre ses recherches et de voir où cela la mènera. Elle se passionne également depuis peu pour la réalisation de sculptures, dont deux font déjà partie des œuvres présentées dans l'exposition actuelle.
Infos pratiques
Jusqu’au 10 février 2022
The LT Gallery,
Rue Asfahan, Mar Mikhael, Beyrouth
(+961) 71 781 113
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