Przemysław Niesiołowski s’est longtemps cantonné au banc des amateurs d’art, sans jamais passer le cap de la créativité. Élevé par un père artisan, il a néanmoins été sensibilisé à la conception de meubles, au travail du bois, et au souci du détail depuis son plus jeune âge, et a hérité d’un savoir-faire plastique indéniable, qui est toutefois à distinguer de la technique. C’est avec le travail du bois de chêne que Przemysław observe un déclic, une attention, et même une passion pour la beauté du matériel d’une part, et l’infini du détail d’autre part. Son approche de la création est la mise en valeur d’un objet de la nature, que l’on peut « guider pour la rendre plus prononcée ».
Cependant, l’inspiration, il ne la trouve pas seulement dans les éléments naturels, mais également dans « les éléments que l’on tient pour acquis ». Ces objets associés au quotidien, au travail, sont « magnifiques dans leur utilité », leur banalité. La puissance et la beauté de l’évident, celle d’une vieille roue, d’une canne à pêche, d’une machette de boucher, d’un plateau de backgammon ; c’est celles-là qu’il cherche à retranscrire, puis à mettre à l’honneur. Si ces objets sont vieux, et surtout usées, c’est encore mieux, ils incarnent la vie. Przemysław part ainsi, sur un tronçon du Lebanon Mountain Trail, à Souq el Ahad à Beyrouth, à Tripoli, en dilettante et sans attente aucune, pour trouver les pièces qui méritent d’être « sauvées ». Ces outils, morceaux de bois, de fer, qu’il transforme en sculpture, ils ont vécu, ils ont été chauffés, tordus ; « on sent la vie de l’objet, du marteau, des pièces d’échec, du caillou, du fil de pêche ».
Durant la pandémie et les deux dernières années, l’ambassadeur-artisan a beaucoup produit, dans l’atelier de la résidence qu’il a équipé avec toutes sortes d’outils et solvants. Beaucoup de ses sculptures ont été offertes à ses proches, ou y sont destinées ; il gardera certaines pièces, dont il est le plus fier, et dont l’écho personnel est le plus prenant. À ce propos, Przemysław refuse de labelliser ses productions d’œuvres, puisqu’il ne « considère pas faire de l’art, mais de la préservation ». L’inspiration ne lui manque pas, « le talent est facile » déclare-t-il ; mais la technique, l’usage des outils, la patience, et la capacité à retranscrire plastiquement ce que son esprit veut transmettre sont ses plus grands défis. En effet, la réalisation d’une table, ou d’une lampe à partir de déchets ou de matériaux bruts, pour certains extrêmement peu malléables, exige une grande méticulosité.
Au-delà de sa relation avec les différents objets, et la façon dont il les appréhende, nous avons cherché à savoir dans quelles mesures ses sculptures sont liées à son expérience du Liban. « Tout a un rapport avec le Liban, puisque ce sont des objets du Liban », souvenirs incarnés, épisodes inoubliables, hasards candides, rencontres fortuites au pays des Cèdres. Le Liban est une expérience fondatrice pour lui, et une petite roche du Akkar qui lui évoque la forme angulaire d’une montagne a une valeur inestimable. C’est la confection d’un objet d’artisanat avec l’essence d’un souvenir, d’un voyage, d’un moment de vie dans un pays « si petit que le Liban, mais si intense, si profond, en Histoire et en émotions ». Toutefois, l’ambassadeur pense pouvoir retrouver ce sentiment, cette fierté de créer des ensembles esthétiques « qu’il lui plairait de regarder » à partir d’objets de la sphère du banal dans d’autres endroits. En effet, le processus restera le même, forger la destinée d’une entité qui appartient au prisme de l’utile, du naturel, en concevant un piédestal, au sens propre comme au sens figuré, et en projetant cet objet dans le beau et le décoratif.
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