Le pari de l’art en ligne peut surprendre dans un pays qui ne connaît qu’une percée limitée dans le domaine du e-commerce. Selon une étude réalisée par la CNUCED en 2017 sur le commerce électronique d'entreprise à consommateur, le Liban ne se positionne qu’au 55ème rang, et se place en 3ème position au niveau régional derrière l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis.
Pour Bane Khater fondatrice de Banzy, les débuts encore timides du e-commerce au Liban ne sont pas à sous-estimer : “Le monde évolue sur internet aujourd’hui et même si au Liban la croissance du commerce en ligne est plus lente je pense que c’est dans ce sens que nous nous dirigeons. Même si les gens prennent du temps à s’habituer, dans quelques années cela deviendra la norme.”
Banzy représente sur son site internet 23 artistes originaires de la région ou issus de la diaspora et se concentre essentiellement sur la vente d’œuvres d’art abordables. Si la galerie a fait le choix pour l’instant de ne pas avoir un lieu fixe dédié, des expositions sont organisées toute l’année afin de promouvoir les artistes de leur catalogue. Pourtant Khater nous indique : “Tout ne peut se passer complètement en ligne. Ici, les gens sont très attachés à la relation entre le client et la galerie, la plupart vont quand même se renseigner au téléphone et passer dans nos bureaux pour voir les œuvres. Internet ne peut pas remplacer l’émotion et le contact.”
L’entrée très récente du Liban dans le monde de l’art numérique répond à la fulgurante implantation des pays du Golfe dans ce nouveau marché qui a ouvert l’horizon d’une clientèle aisée. Aubaine pour ce nouveau secteur au Liban ? Bane Khater nous indique que 75% de sa clientèle est libanaise, un chiffre qui s’explique notamment par les lourds frais de douanes à l’importation et à l’exportation au Liban dissuadant les clients étrangers.
En effet, la galeriste préfère un autre argument : La croissance et la popularité des galeries en ligne au Liban seraient dues à l'entrée d’une toute nouvelle clientèle acheteuse d’art : “Nous ne sommes pas en compétition avec les grandes galeries beyrouthines. Beaucoup de personnes sont intimidées par ces galeries et nous voulons leur proposer une autre expérience. Nos clients ont entre la fin de la vingtaine et une quarantaine d’années. L’art est devenu à la mode et pour se démarquer ils veulent maintenant offrir une oeuvre d’art quand ils sont invités à dîner plutôt qu’une bouteille de vin !” poursuit Bane Khater.
Internet offre de multiples possibilités aux entrepreneurs dans le domaine de l’art au Liban. Raya Maamarbachi l’avait flairé quand elle a fondé Artscoops en 2014. A mi-chemin entre galerie d’art, espace d’exposition, média et maison de ventes aux enchères Artscoops a créé une plateforme hybride en ligne unique au Liban.
“J’avais le sentiment qu’il manquait d’un espace qui rassemble et expose l’art de la région au reste du monde. Tout le monde n’a pas le temps de visiter chaque galerie ou au mieux chaque site internet. La plateforme Artscoops est accessible à toutes les galeries de la région MENA. En venant sur notre site web le public peut voir un maximum puisque les galeries sont libres d’ajouter leurs œuvres sur notre plateforme. Avec leur contenu nous créons des expositions et des ventes virtuelles. Tout cela est accessible 24/24 sans aucune contrainte”.
Au-delà des sites internet, les réseaux sociaux sont devenus des plateformes de prédilection pour ces nouveaux acteurs du marché de l’art : “Instagram est devenu notre point de vente principal” nous indique Bane Khater :”Le marché de l’art évolue énormément à l’heure des réseaux sociaux. Les plus jeunes générations sont davantage exposées à l’art et au design. Ils ont accès à beaucoup d’art n’importe quand et n’importe où. Cela attise leur curiosité et les incite à se lancer.”
Bien au-delà du e-commerce l’art trouve une place privilégiée en ligne, rend l’accès libre et gratuit à tous. Abraham Karabajakian, parmi les collectionneurs de renommée au Liban a choisi de substituer à un espace physique ouvert au public un compte Instagram où il partage régulièrement les œuvres d’art de la collection KA accompagnées de textes explicatifs ainsi que les expositions qu’il visite à travers le monde. Pour lui, tous doivent avoir accès et consulter sa collection d’œuvres d’artistes libanais et de la région. Même le Ministère de la Culture libanais favorise cette trajectoire en ayant créé et “rénové” un musée virtuel -à défaut d’un musée physique- où sont “exposées” les œuvres de la collection d’art moderne nationale.
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LE MARCHÉ DE L’ART, ÉVOLUTION ET POSITIONNEMENT
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