Un si beau titre suscite forcément la curiosité. De quoi s’agit-il ?
Le titre est en réalité celui d’une collection crée par Isabelle Gallimard au Mercure de France il y a plus de 20 ans maintenant. « Le goût de... » regroupe des anthologies littéraires consacrées à des villes, des régions, des pays et à de nombreuses thématiques. Ce sont de véritables petites bibliothèques portatives et la collection compte près de 300 ouvrages à présent. Les premiers titres étaient pensés comme des invitations au voyage ; il s’agissait de faire découvrir des pays à travers des textes littéraires qui en donnaient le goût. Plus tard, devant le succès de la collection, elle a été étendue à des thèmes.
Comment avez-vous été amenée à écrire pour cette collection ?
J’ai eu la chance d’avoir des textes de mon premier ouvrage littéraire, « Eclats de mémoire » sélectionnés dans deux anthologies de la collection. Il y a eu aussi un « Goût de Beyrouth » paru en 2003. C’est comme ça que j’ai découvert la collection et que j’ai été invitée à y collaborer. J’ai donc publié « Le Goût de l’Orient », « Le Goût de la liberté » et « Le Goût d’Haïti ». Je pensais m’arrêter là quand Isabelle Gallimard m’a proposé de travailler à un volume sur le Liban. Nous étions début 2019 et le livre devait paraître courant 2020 pour accompagner les 100 ans de la naissance du Grand Liban. Puis, vers octobre 2019, face à la dégradation de la situation, le projet a été mis en veilleuse. J’en ai été très chagrinée et ça a été une longue bataille de le faire paraître, alors que malheureusement, les choses sont loin de s’être améliorées depuis.
Oui, en effet. C’est un tel paradoxe de publier un ouvrage sur « Le goût du Liban » aujourd’hui !
Je crois que ça fait encore plus sens en raison de la situation désespérante qui est la nôtre. Je sais gré au Mercure de France de l’avoir fait paraître dans ces circonstances. Il s’agit pour moi d’un acte de foi dans ce pays, d’un geste de résistance par la culture. L’ambassade du Liban en France a apporté son soutien au projet manifestant ainsi sa volonté de continuer à construire l’avenir. J’espère qu’il recevra un bel accueil, même et surtout au milieu de la tourmente.
Quelles ont été vos principales difficultés dans la préparation de cet ouvrage ?
Comme pour chacun des ouvrages de cette collection, c’est la première étape, celle du choix des textes, qui est la plus importante et la plus difficile. Cela a été le cas de façon encore plus marquée ici, en raison de la quantité de textes que j’aurais voulu y inclure. Choisir m’a causé plusieurs nuits d’insomnie. Il me fallait des auteurs libanais et non-libanais, des textes classiques autant que d’autres représentant des écritures plus novatrices ; il était important que les littératures en arabe et en français y soient présentes mais également d’être représentatif du Liban dans sa diversité, ce qui n’est pas une mince affaire. Il fallait enfin donner envie d’aller vers ce pays, c’est quand même l’ADN de la collection, mais sans non plus en construire une image idyllique et en décalage avec la réalité. J’espère m’être rapprochée de l’équilibre, même si je n’y suis pas parvenue tout à fait. Appartenir à une collection, ce qui est une force pour un tel ouvrage, comporte des contraintes impitoyables de pagination et de format. Les présentations des textes doivent être brèves. Et comme chacun sait, faire court est infiniment plus difficile que faire long.
Quelques mots pour finir…
Parler de la couverture, du choix d’une photographie du port sur laquelle on distingue aussi le sérail, un clocher, un minaret et les signes d’une activité bouillonnante. Dire qu’elle suscite en moi beaucoup d’émotion, et qu’il faut y voir un hommage à cette ville meurtrie, blessée et magnifique, que nous aimons tant.
Le livre sera en vente vers la mi-septembre dans les librairies Antoine et Stephan.
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