Pour sa sixième édition, le marché aux puces de Daniele Kiridjian concrétise le voyage
19/05/2021|Julia Mokdad
Le cadre sera idyllique, planté dans un vaste jardin « pieds dans l’eau ». Les palmiers de Batroun fendront le ciel bleu, l’ambiance sera champêtre, la musique entraînante et les objets d’une splendeur inégalée. C’est la façon dont Daniele Kiridjian imagine le marché aux puces de cette année. Fondatrice de l’évènement, elle a repris en 2015 le flambeau du marché éteint depuis 2002. Inutile de souligner qu’elle est avant tout une passionnée, comme les chineurs qu’elle attend pour cette sixième édition. Une deuxième famille, en quelque sorte; cette communauté qu’elle nomme les vintages lovers, et qui, dans cette machine temporelle annuelle, se retrouvent pour confondre leurs âges.
Habituellement, c’est à Beyrouth qu’elle les réunissait. Comme cette cinquième édition, diminuée par le contexte haletant, qui s’était tenue à Mar Mikhael en décembre 2020, envers et contre tout, en cri de guerre. Ou plutôt en ode à l’espoir. Mais cette année, Daniele ne joue pas dans le symbolique. Son ambition est simple : voler quelques journées à la souffrance de Beyrouth, pour offrir un voyage sur place à son public vers la destination phare du moment : Batroun.
Jouer avec le temps
Pendant quatre jours consécutifs, curieux, collectionneurs, décorateurs viendront chiner à leur rythme pour dégoter la pièce qui leur fera tourner la tête, à prix résonnés. Daniele Kiridjian apprécie cet aspect économique de l’évènement, qui en dévoile la philosophie. « Le marché aux puces, ce n’est que des bonnes affaires » affirme-t-elle. « C’est d’ailleurs pour ça que je préfère travailler avec des petits marchands, qui œuvrent, non pas pour les gains financiers, mais pour s’assurer de pouvoir confier leur objet à une personne qui lui donnera une seconde vie ». Perpétuer la vie des objets anciens, c’est aussi un objectif majeur de cette manifestation esthétique.
Mais cette année, le marché aux puces s’est doté d’une nouvelle fonction, un peu par hasard, par la force des choses. Celle d’apporter espoir et soutien aux exposants touchés par la double explosion du port de Beyrouth, nombreux à avoir répondu présent, pour essayer de redémarrer dans un esprit plus décontracté. « À sa naissance, le marché était une petite initiative florissante à Beit Mery, dans mon village. » souligne Daniele. Et d’ajouter : « Aujourd’hui il devient peu à peu une nouvelle forme d’aide sociale ». Une aide sociale engendrée par la crise, mais aussi consentie par cette dernière. Car dans un pays où le pouvoir d’achat s’effondre violemment, acheter en seconde-main devient de plus en plus fréquent.
Pour cette édition donc, il y aura de nouveaux visages, mais aussi une présence inédite qui fouleront le sol sableux du café-restaurant Bolero. Affaire conclue et son duo iconique composé de Caroline Margeridon et Stéphane Vanhandenhoven assisteront à cette vente d’objets antiques pour tenter de remettre le pays des cèdres sur la carte, et soutenir l’héritage des temps révolus.
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