Ré-imaginer Beyrouth par Wissam Beydoun : Entre sublimation et restructuration du chaos
26/10/2022|Noame Toumiat
Comment ré-imaginer Beyrouth ? S’agit-il de se défaire de notre subjectivité, des images qui se sont imposées au fil du temps afin d’en faire un terrain vierge où n'importe quelle perspective est envisageable ? Ne faudrait-il pas composer avec le chaos urbain, le sublimer à travers un élan subversif ? Voici un des points névralgiques se dégageant des peintures de Wissam Beydoun présentes dans l’exposition Ré-imaginer Beyrouth qui a débuté le 20 octobre dans la galerie Art on 56th.
Une des volontés de Wissam : restructurer la ville en la peignant. Il offre au public un nouveau regard sur Beyrouth, en gardant fréquemment les contours qui la rendent reconnaissable. Pour autant, il s’adonne à une variation de couleurs témoignant de multiples atmosphères : il la définit sous les termes de “variations obsessives”. Le processus pictural du peintre répond à un besoin intime, une série de tableaux permet de créer une palette de possibilités tout en gardant le souffle initial. Selon l’auteur, “structurer Beyrouth peut donner quelque chose de mieux mais il est également possible de la laisser telle qu’elle est”.
Les représentations de Beyrouth proposées par le peintre sont également teintées de ses émotions : les couleurs en témoignent. S’exprimer par une série lui permet d'exorciser ses ressentis en les jetant de manière plus ou moins instinctive sur la toile. Le public peut également interpréter le tableau comme une mise en abîme ; des formes semblables à des visages se distinguent au travers du quadrillage, dans lesquels chacun peut s’identifier. La peinture est une guérison, en cela l’art de Wissam incite à l’introspection. Selon lui, pour faire de l’abstrait, il faut très bien connaître son objet. Dans ses peintures abstraites réside toujours une silhouette humaine : “c’est pour ne pas se perdre et avoir un repère”.
Aussi, “Peindre est un challenge, l'œuvre est un terrain d’expérimentation à travers lequel le peintre peut s’immerger tout en ayant le contrôle sur ce qu’il représente.
Wissam Beydoun concilie une approche à la fois poétique par les variations émotionnelles et interprétatives que suppose ses œuvres mais également une démarche géographique par une segmentation picturale de Beyrouth. Finalement, un enjeu politique naît du caractère réflexif de ses œuvres. Si le public est réceptif, celui-ci dispose d’une marge de manœuvre et conscientise son pouvoir actionnel. Se perçoit dès lors une rupture avec un fatalisme généralisé, une acceptation passive de la désorganisation de la ville. Se réapproprier la ville passe par une réflexion architecturale mais aussi par une récupération des espaces. À la fin de notre entretien nous avons évoqué le centre-ville de Beyrouth, espace qui relève d’une quasi-privatisation de l'espace public. Il suppose à cet égard lors des événements en 2019 que la plupart des manifestants auraient cassé car ils ne se reconnaissait pas dans un centre-ville où se côtoient Hermès et Chanel. Wissam Beydoun le résume tout simplement à travers la phrase suivante : “Ce n’est pas à nous”.
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