Redécouvrir Le Liban à travers la caméra de James Kerwin
14/04/2022|Clémence Buchsenschutz
Comment as-tu fait tes débuts dans la photo ? Pourquoi en être venu à photographier des urbex ?
J’ai débuté la photographie en 2018.
J’ai appris tout seul, d’abord avec un mode manuel : tout le monde peut apprendre l’art de la photographie par lui-même. J’apprends encore tous les jours de nouvelles techniques, de nouvelles astuces.
J’ai commencé par photographier des mariages, puis des cuisines pour une marque qui en vendait. Ayant travaillé dans l’architecture depuis 2013, j’ai naturellement été attiré par la photographie de bâtiments.
Je ne capture pas que des urbex (urban exploration), mais je veux surtout faire découvrir de merveilleux endroits qui sont cachés et peu montrés au grand public. J’aime me rendre dans les endroits où personne ne met les pieds.
J’aime l’esthétique, cela m’importe peu si les bâtiments sont intacts ou non : je suis davantage à la recherche de belles couleurs, de textures, de lieux qui dégagent une atmosphère particulière.
Pourquoi le Liban ?
Déjà, en Angleterre, tu ne peux pas être photographe à part entière. C’est un métier assez précaire, il faut avoir deux métiers en même temps. Je suis donc parti en 2018, et c’est cette année-là que j’ai découvert le Liban pour la première fois.
Je me suis rendu compte qu’il y avait ici un nombre inimaginable de bâtiments abandonnés, et de lieux qui n’ont pas été partagés.
Il n’y avait pas tellement de photographe à l’international qui se rendaient ici, peut-être parce que le Liban n’a pas pour réputation d’être un pays sûr. J’aime l’idée de monter à mon public un autre côté du pays, leur en montrer aussi la beauté.
J’y suis ensuite retourné plusieurs fois, et j’aime toujours autant y déceler de nouveaux joyaux cachés.
C’est étonnant de voir combien un même endroit évolue d’une année à l’autre, par exemple avec la végétation qui s’installe dans les maisons : c’est génial de capturer cette transformation.
Comment trouves-tu ces endroits cachés ?
Avant de venir pour la première fois, j’avais fait quelques recherches. Parfois je scrolle sur Instagram et je vois de beaux endroits qui m’attirent. J’essaye de retrouver la localisation en reconnaissant une église sur la photo, ou un bâtiment reconnaissable. Ensuite je cartographie l’endroit et j’y vais !
Je fais aussi des virées en voiture pour repérer de jolis coins. Lorsque je tombe sur des maisons à l’abandon, j’essaye de me renseigner auprès des boutiques à côté pour obtenir le numéro du propriétaire et obtenir l’autorisation d’aller y shooter.
Toutes ces recherches, c’est en sorte une combinaison de recherches sur internet et d’exploration sur place.
Je ne partage pas tous mes spots : je ne veux pas que certains deviennent des lieux de squats ou qu’ils soient vandalisés.
Comment t’es venu l’idée de la création d’un livre ?
Lorsque je poste des photos au Liban sur les réseaux sociaux, ça marche bien, peut-être même plus que dans d’autre pays. C’était à l’origine juste un projet de série : je n’avais absolument pas prévu d’en faire un livre, mais ça a été un peu effet boule de neige.
Maintenant, j’organise des tours avec des photographes amateurs : je les emmène dans des endroits que j’ai déjà photographiés et je leur apprends quelques techniques
Y a-t - il des photographes qui ont inspiré ton travail ?
J’ai une grande admiration pour le travail de Robert Polidori. C’est un photographe québécois qui est venu au Liban directement après la guerre civile. Il a capturé les habitations détruites avec ses clichés tous réalisés à l’argentique.
Selon moi, il a particulièrement intéressé les gens parce qu’il a pris le risque de venir directement après le désastre. Ses photos sont belles, mais pas exceptionnelles artistiquement parlant, j’aime surtout le fait que son travail soit controversé.
Après un désastre, une guerre, une catastrophe, le photographe qui se rendra directement sur le terrain et prendra les meilleures photos dans un temps record deviendra très connu. C’est intéressant ! J’aime sa manière de faire les choses, il est un peu le précurseur de l’urbex.
A ton tour d’inspirer de futurs photographes : quels conseils donnerais-tu à un jeune qui voudrait se lancer dans la photographie ?
Il faut croire en soi bien sûr, c’est indispensable. C’est un job qui te prendra de l’argent : je dépense énormément dans mes voyages. Il m’est arrivée une nuit de traverser l’Europe puis d’en revenir juste pour prendre quelques clichés. Si tu travailles dur et que tu comprends ce que tu veux réaliser, tu vas y arriver.
Sois passionné, et les gens finiront par s’intéresser à ton travail.
Je pense qu’il faut aussi prendre des risques pour progresser. Il ne faut pas en avoir peur, c’est la chose la plus importante dans la vie.
La connaissance, aussi ! Il faut s’informer pour s’améliorer. Chacun a un domaine dans lequel il est bon et qu’il peut transmettre aux autres
C’est aussi important de développer son propre style, ses propres envies : ce n’est pas en copiant qu’on devient un bon photographe. Il faut regarder les choses d’un œil différent pour se démarquer : tout est une question de la perspective que tu places sur ce que tu vois et captures.
Et après ? Des projets d’avenir ?
J’ai encore un peu envie de voyager avant de me poser. Pourquoi pas l’Iran ! Mais ça me paraît compliqué de m’y rendre. J’aime voyager sur de longues périodes, doucement, pouvoir prendre le temps de découvrir le pays. C’est aussi bien sûr plus économique !
Je vais aussi continuer de donner des cours en ligne. J’avais commencé à donner ces cours pendant le confinement, et pourquoi pas sortir d’autres livres, ou monter une exposition de photo, à Paris par exemple. En somme, continuer de créer du contenu pour ceux qui ne voyagent pas.
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