“Treat me like your mother” : l’histoire de 10 femmes transgenres libanaises illustrée par la photographie
07/11/2022|Noame Toumiat
Dans l’opacité de la salle d’exposition du Mina Image center, s’esquisse des halos de lumières autour des portraits photographiés par Mohamad Abdouni, photographe et réalisateur libanais, à l’initiative de l’exposition « Treat me like your mother » du 25 octobre au 3 décembre 2022. Ce projet photographique honore dix femmes transgenres en ancrant leurs témoignages dans un espace-temps qui leur est propre, permettant de tracer un nouveau corridor pour les communautés queers au Moyen-Orient.
« Artivism », un néologisme explicitant la nouvelle ligne artistique du Mina Image center. Ce centre présentant anciennement l’histoire de la photographie, souhaite depuis leur réouverture promouvoir des expositions engagées et se muter en plateforme d’expression pour les artistes libanais. Dans le cadre de l’exposition, la photographie permet de véhiculer des messages, sublimant la forme du politique ; elle s’inscrit dans une complémentarité avec d’autres formes d’expressions : des débats et projections de films sont programmés afin d’accompagner les photographies. « Treat me like your mother » s’inscrit dans le prolongement du magazine Cold Cuts que Mohamad Abdouni a créé en 2017 ayant pour objectif de narrer l’histoire et les quotidiens des communautés queers au Moyen-Orient.
« Treat me like your mother”? Voici une douce injonction permettant de réfléchir sur la place des femmes transgenres dans notre société. Le thème du motherhood est abordé dans l’exposition ; la manière dont chaque femme se l’approprie en fait un terme polysémique.
Par exemple, la mère comme un symbole de protection s’illustrant dans la communauté queer par l’accueil de personnes marginalisés. Pour Mama Jad, une des dix femmes photographiées, c’est davantage le fait de désirer profondément l’expérience de la peine lors de la mise au monde d’un enfant, de sentir quelque chose qui grandit en elle. L’on peut comprendre également ce titre comme une invitation à une reconnaissance et à la valorisation de l’histoire de ces dix femmes qui ont vécu leur identité queer dans le monde arabe dans les années 1980 et 1990 alors qu’aucune communauté organisée n’existait à cette époque dans cette région. L’enjeu est également par ces témoignages de mettre en avant l’existence d’une culture queer moyen-orientale dissociée de celle occidentale, prégnante dans notre société.
Un aspect plus intime côtoie l’aspect politique de l’exposition. La photographie permet de transmettre à ces femmes une importance et une reconnaissance. Mohamad Abdouni dit à cet égard qu’il voulait consacrer à chacune un jour où « elles pouvaient être des stars », décidant de leur maquillage, de la scénographie et de leurs coiffures.
Cette exposition permet de mettre en exergue un paradoxe subsistant, encore plus marqué à Beyrouth où les contradictions sont exacerbées : l’on peut être glorifié pour une initiative tout en étant peu après dénoncé pour celle-ci. Nul doute que Mohamad Abdouni contribue à faire du monde arabe un laboratoire d’expérience dans lequel il popularise la culture queer.
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