Mar Elias, ses rues animées, ses petits commerces et sa foule bigarrée laissent la place vers le sud à un nouveau quartier résidentiel joliment appelé Jnah ou « ailes ». Est-ce la proximité de l’aéroport qui a donné cette dénomination à ces grands boulevards ou plutôt le fait que ce quartier n’en finit pas de s’étendre là où il n’y avait, il n’y a pas si longtemps, que des dunes et des figuiers de Barbarie ? Avec deux vagues démographiques successives, l’arrivée des Palestiniens en 1948 et de druzes de la montagne en 1970, Jnah qui s’appelait alors Raml el Ali s’est peuplé peu à peu. Mais le contraste est flagrant entre les immeubles luxueux des grands boulevards et les petites maisons collées les unes aux autres dans les toutes petites ruelles remontant vers Mar Elias. D’aucuns se rappelleront le premier grand supermarché de la région de Beyrouth, le Spinneys, inclus dans un des premiers grands centres commerciaux où chaque déplacement pour emplir ses caddies l’allure d’un petit voyage.
Les vastes étendues de Jnah pas encore totalement prises d’assaut par l’urbanisation galopante laissent le champ à de drôles de rencontres. Derrière une haie de grands arbres, dans ce qui était visiblement un stade de football, trois chevaux paissent tranquillement. Le mâle Ya’soub s’approche de temps à autre de la jument Sanadi qui préfère rester près de son poulain Bourak. Adel Halim Saab est le gardien des lieux. Cet ex-jockey n’a pas eu d’autre choix que d’accepter de s’occuper de ces chevaux qui appartiennent à une famille arménienne et de vivre avec sa femme et ses cinq enfants dans une modeste masure. Mais les yeux de Adel sourient : « J’adore les animaux et il n’y a rien de plus noble que de s’en occuper. J’ai trois chiens, des dizaines de poules et beaucoup de pigeons. Je m’occupe des chevaux et c’est moi qui ai aidé Sanadi à mettre bas. J’aime être là, parmi les animaux et les arbres même si ce n’est pas facile tous les jours. Je suis de Ras Beyrouth mais mon père a perdu toute sa fortune au casino. Je ne possède plus rien. J’essaie de survivre avec 200 dollars par mois. J’ai mal à la hanche, je suis inquiet et ma fille passe son brevet. Priez pour qu’elle réussisse. Et regardez comme ils sont mignons mes petits poussins ! »
ARTICLES SIMILAIRES
Le Liban d’hier à demain par Nawaf Salam
Zeina Saleh Kayali
14/01/2025
Lecture 79 : Ketty Rouf, Mère absolument
Gisèle Kayata Eid
11/04/2024
Brigitte Labbé et les Goûters philo
Zeina Saleh Kayali
08/04/2024
« Profession Bonniche », la romance pour dire l'indicible
01/04/2024
Lecture 78 : Atlas du Moyen-Orient, Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud
Gisèle Kayata Eid
28/03/2024
Ouvrages rangés, à déranger : Le choix de Charif Majdalani
22/03/2024
Lecture 77 : Vent du Nord, Antoine Daher
Gisèle Kayata Eid
13/03/2024
Ouvrages rangés, à déranger : Le choix de Michèle Gharios
09/03/2024
Ouvrages rangés, à déranger : Le choix de Bruno Tabbal
06/03/2024
Lecture 75 : Triste Tigre, Neige Sinno
Gisèle Kayata Eid
29/02/2024