24 ans. C’est l’âge de Tia Murr. Manageuse d’artistes, productrice d’événements, créatrice de contenus visuels, la jeune libanaise évolue dans le monde de l’art à travers ses multiples activités, animée par son désir d’aider les gens et son profond attachement pour le Liban. « C’est vraiment une lettre d’amour à tous les artistes qui sont restés ici, je les respecte tellement, et je ne suis rien sans eux » Au fil de ses mots, Tia nous embarque dans son aventure, faite de rencontres et d’amour pour les autres, et dans laquelle le Liban joue le rôle principal.
« Ça a commencé par une coïncidence ». Tout débute avec le groupe libanais Taxi 404 qui lui demande de devenir sa manageuse. Sans réellement savoir de quoi il s’agit, elle se démène pour que la presse parle d’eux, qu’ils se produisent en concert avec pour objectif l’entrée dans un label. L’opération est un succès : Taxi 404 signe avec le label Whitekid Records et est pris en charge par le manager Daniel Korkhov. Tia Murr continue de créer leurs contenus visuels, et prend sous son aile deux autres artistes : Carina et Sarah Mansour.
« J’accompagne les artistes à partager leur art, je suis peut-être cet intermédiaire entre les artistes et les producteurs ». Si Tia Murr elle-même ne sait pas vraiment comme se définir professionnellement, ses activités répondent à un même besoin : « Depuis toute petite, j’ai cette envie d’aider les gens, de n’importe quelle manière. Je pense que j’ai toujours fait le travail d’une manageuse sans le réaliser, j’adore pousser les gens vers le haut, les aider à vraiment briller ».
Elle n’hésite pas à multiplier les contacts pour mener à bien les projets des artistes avec lesquels elle travaille. « Il faut juste avoir le courage de demander de l’aide, j’ai l’impression que les gens sont encore plus serviables que n’importe où dans le monde », souligne Tia admirative de l’entraide qui continue de régner au Liban malgré les difficultés.
Si son arrivée dans ce milieu n’était pas préméditée, elle est rapidement devenue une évidence compte tenu de l’enfance de Tia. « J’ai grandi dans le milieu de la musique ». Dès son plus jeune âge, son père la plonge dans ce monde dans lequel il travaille. « Mon père a vraiment fait de la musique notre religion, je pense que mes premiers voyages c’était pour des concerts ».
Après des études en communication et médias à l’AUB (Université américaine de Beyrouth), un master en réalisation de films documentaires à l’université Goldsmiths de Londres, et quelques mois d’échange à Amsterdam, Tia Murr pensait poursuivre sa carrière en France, dans le domaine de la production de films. « Mais j’avais ce vide en moi, je ressentais la même peine en France qu’ici, je pensais au Liban, finalement j’ai décidé de suivre mon instinct et de revenir au Liban ». Un de ses amis prévoit de faire un film au Liban et lui propose de participer au projet. « J’ai eu des papillons dans mon ventre ». Elle n’hésite pas une seconde et prend un vol direction Beyrouth. « C’est ça les émotions que je veux ressentir quand on me propose un job, j’ai envie de sentir que des ailes me poussent et que je vais faire quelque chose de grand ».
Malgré les difficultés au quotidien, Tia ne se voit pas vivre ailleurs pour le moment. « Le Liban me reprend à chaque fois », confie-t-elle. « Il y a tellement de destructions, tellement de vide au Liban, mais en même temps c’est ce qui fait qu’il y a de la place à des exploits immenses, des sensations de joie qui sont inexplicables, et moi je vis pour ce genre d’exploits, pour revoir mon pays vivre ».
Le 7 avril dernier, le groupe Taxi 404 s’est produit au Ballroom Blitz à Beyrouth. « J’ai eu les larmes aux yeux cinq fois durant la soirée, parce que c’est juste tellement beau l’énergie des Libanais quand ils revivent, de voir ça pour moi ça vaut toute la stabilité du monde ». Un concert qui a ravivé chez Tia la nostalgie de tels événements avant la crise. « Les concerts au Liban, c’était un truc de fou, il y avait de grands artistes qui venaient, il y avait des milliers de personnes, c’était juste incroyable, ça me rend tellement triste que ça n’existe plus »
Entourée par de nombreux artistes, Tia Murr évoque une communauté soudée encore bien présente au Liban. « Je pense que c’est super logique que les artistes restent au Liban, je ne pense pas que ce soit une coïncidence parce que on crée de nos peines, de nos joies et on peut créer dans des conditions hyper difficiles ».
Créer, toujours créer, Tia ne peut s’en passer. En parallèle de son activité de manageuse, elle produit notamment des clips vidéos. Lors du 1er confinement, elle lance avec son amie Mariam Ajami, la page instagram @playlistvisuelle sur laquelle elles partagent des playlists musicales accompagnées de visuels. Une plateforme pouvant aider à mettre en avant certains artistes. Pour la suite, Tia entend continuer dans la même direction : « je dirais que mes projets futurs c’est toujours d’aider les artistes en utilisant mon côté humain et mon côté artistique ».
Quand on l’interroge sur le futur de son pays, Tia explique avoir redéfini sa vision des choses. « Je pense que le mot espoir est trop grand, notre pays va toujours passer par des hauts et des bas, donc mon espoir c’est que les hauts soient encore plus présents de jour en jour. J’essaye d’enlever mes lunettes de rêveuse et de me dire que c’est comme ça, c’est la vie, il faut qu’on profite, qu’on essaye de notre mieux, et qu’on donne de l’amour autant qu’on peut ».
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