On était triste. On était désabusé. Désenchanté et fatigué. Sur tout le territoire. Dans tous les foyers. Dans toutes les régions. Dans toutes les confessions. Et surtout dans toutes les générations. Et puis tout à coup la claque de trop. Tout à coup l’explosion. Tout à coup, venu de loin, l’espoir. Et comme un seul homme, comme un seul Libanais, en quelques heures, le peuple s’est levé. Le peule s’est relevé, soulevé, a levé mille tabous. Et puis surtout, surtout, du Nord au Sud, un seul cri, le même. Sans se parler, sans se concerter, les cœurs ont frémi du même souffle, du même battement et surtout des mêmesmots. « Tous dehors, tous sans exception ». En un instant, un instant historique, inédit, 15 ans de guerre, 30 ans d’oppression, de division, de paupérisation, de destruction, de mots de la discorde ont disparu. Envolés, volatilisés, dissous dans la douleur d’un peuple qui se réveille. Les partis, les milices, le clientélisme, le syndrome de Stockholm, les dissensions de guerre, disparus. Les confessions, les peurs, les tabous, les traumatismes, la peur du vide, disparus. Comme un seul homme, le peuple a crié. Sa colère oui mais aussi sa détermination, ses revendications et son refus de poursuivre, même pour un seul jour, ce long chemin de croix que lui faisaient subir les dirigeants avides et corrompus. Et tel un tsunami bienvenu, la fierté, le patriotisme, l’union, l’amour du pays, l’estime de soi ont balayé la fatigue et le défaitisme. L’allégresse, l’humour, l’espoir, la légèreté ont chassé les nuages noirs. On s’est donné la main. Au Liban, sur chaque centimètre carré mais aussi dans les capitales du monde où les Libanais ont toujours un drapeau de leur pays à portée de main. Quelle que soit l’issue de cette révolution du peuple, un retour en arrière est impossible.Quelle que soit l’issue de cette révolution du peuple, les Libanais d’aujourd’hui ne sont plus les Libanais d’hier. Ils nous avaient pris pour des moutons, aujourd’hui nous sommes des lions. Ils nous avaient pris pour des otages, aujourd’hui ce sont eux les prisonniers. Ils nous avaient pris pour des idiots aujourd’hui ce sont eux qui sont traînés dans la boue. Ils nous avaient pris pour des fantômes, aujourd’hui ce sont eux les sourds-muets et aveugles. Ils nous avaient pris pour des ânes, aujourd’hui nous sommes des pur-sang.
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