Née dans les années cinquante en plein cœur de la Békaa, l’aînée d’une famille de sept enfants a rapidement eu la lourde charge de suppléer sa mère à la santé fragile. Petit bout de femme à la tête dure, c’est ainsi qu’au cours de son enfance s’est forgée patiemment la vocation d’être au service de ceux qui ne peuvent s’aider eux-mêmes. A l'époque, elle ne le savait pas encore mais son destin était déjà scellé depuis des années. En pleine guerre civile, la jeune infirmière qu'elle était devenue, bravait chaque jour les interdictions de passage, les missiles et la peur pour se rendre à l’hôpital. Parfois même accompagnée de malades, qu’elle acheminait à pied jusqu’à son service. Arrimée à son indépendance d’esprit, Farida Younan révolutionna la façon de traiter les patients, qui lui rendaient bien. En comprenant cela, elle s’est attirée les foudres de ses supérieurs et les louanges de ses patients, qui voyaient en elle l’ange gardien capable de les sortir de leur torpeur. Car, Farida Younan n’a pas choisi une spécialisation légère. Dans le service de d'hémodilayse et de dialyse péritonéale, la maladie est chronique, installée en profondeur, rien ni personne ne pourra l'en déloger. C’est pour eux, pour "ces personnes complètement abandonnées aux autres” qu’elle n’a pas pris la fuite vers l’étranger comme certaines de ses collègues. Les bombes et la mort lui faisaient moins peur que de penser à tous ses malades laissés à leur propre sort dans leurs chambres d’hôpital. “Qui pour les soigner ? Que deviendraient-ils ?” Impossible pour elle de le concevoir.
Vingt ans d’horreur plus tard, Farida Younan est devenue la reine mère parmi la fourmilière. Elle a dirigé plusieurs services, refondu les techniques de soins, suivi des formations à l’étranger, affronté les réticences des grands pontes et imposer sa vision de ce que devrait être un service de dialyse. En 2009, dix ans après la création de la première organisation de don d'organes au Liban (au fonctionnement amorphe), Farida Younan est nommée pour en prendre le commandement. “Et là j'ai plongé dedans”. La blouse blanche est restée au vestiaire et c’est une autre forme d’uniforme qu’elle a dû enfiler, celui de la diplomatie. Il a fallu que son nouvel habit soit robuste pour résister à ces années de plaidoirie en faveur de la lutte pour le dons d’organes, face aux politiques véreux, aux religieux et surtout à la population réticente. Forte du soutien du directeur médical de NOD-Lb le Professeur Antoine Stephan et de ses collègues, de ses collaborations avec l'Agence de la biomédecine (ABM) et de l'Institut de Don et de Transplantation Espagnole (DTI), son expertise est inestimable. Elle qui n’a jamais voulu quitter le Liban, même dans ses pires moments, elle qui a porté à bout de bras un système de santé défaillant et dessiné les contours de ce que pourrait être l’hôpital du mieux, elle qui se bat depuis plus de vingt ans pour que le don d’organes soit pris au sérieux par les politiques, elle qui travaille depuis des années avec un budget à retardement et des conditions matérielles précaires, elle n’a jamais lâché.
L’engagement pour autrui est devenu sa cause, son combat d’une vie, parfois au détriment de la sienne. Lorsqu’on lui pose la question de la valeur de cette médaille, elle est “un honneur”, certes, mais la véritable consécration de son travail sera la reconnaissance par son pays, Le Liban. Elle attend depuis 10 ans que le conseil des ministres traite la nouvelle loi sur la réorganisation du don d'organes. Elle compte beaucoup sur cette loi, écrite par elle-même et par le directeur médical de NOD-Lb, pour conserver le programme national du don et de transplantation d'organes qu'elle a mis en place avec l'équipe de NOD-Lb avec beaucoup d'efforts. Désormais, elle veut aussi se consacrer à la promotion et l’installation d’organisation de don d'organes à travers tout le Moyen-Orient. Avec pour seule idée en tête : défendre le vivant. “Parce qu’il n’y a rien de plus beau que de sauver la vie d’un malade, parce qu’il n’y a pas de plus grande cause que la vie”.
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